Shirah Goldman

Biographie

Poésies

Je me rappelle de la douceur de cette vie antérieure que j’ai abandonnée lorsque je suis née.
J’ai le souvenir d’avoir appartenu à cette éternité qui m’a toujours sourit.
Je me souviens de cet amour divin , pur, qui formait la matière de mon âme avant que je fusse chair.
Et j’ai vécu sur la terre, en exil parmi les hommes, avec toujours les souvenirs de mes amours passées.
Mais j’ai retrouvé dans ma jeunesse cet appel vers l’esprit pour lequel je vis.
Les commandements sont en moi et j’ai le sentiment de leurs puissance quand je vis sur la terre et le sentiments de leur inutilité quand je revis ce passé, car ils sont moi.

Lorsqu’il s’agit du bonheur tout le monde le désire et chacun veut en avoir le plus possible, non? Eh bien, curieusement, non!
 
Abigaïl avait une amie qu’elle voyait de temps à autre. C’était l’occasion de fou-rires, de se raconter leurs histoires intimes, leurs petites aventures sentimentales, de se moquer de l’un ou autre macho qui avait voulu faire l’intéressant, de médire sur l’une ou l’autre copine, de parler fringues et ainsi de suite, et ça pendant des heures devant une tasse de thé ou de café et une assiette de petites douceurs régulièrement remise à niveau. Elles décidaient souvent, suivant leur humeur, de terminer la soirée en allant au cinéma ou au restaurant.
 
Un jour, son amie fondit en larmes quelques minutes après leurs retrouvailles rituelles. Très inquiète, Abigaïl se demanda ce qu’elle avait bien pu dire, toute en se mordant les lèvres dans la crainte de la fin dramatique de leur relation. Tout est relatif bien sûr mais … Il n’y avait jamais eu de gros soucis entre elles, tout au plus de petits nuages vite dissipés, se terminant d’habitude par des embrassades. Abigaïl était perplexe. Des pleurs comme ce jour là, la laissait complètement désemparée… Elle essayait de se persuader qu’elle n’y était pour rien, que ce n’était pas elle la cause du gros chagrin de son amie. Un très gros chagrin .…
 
Allons ma chérie, qu’est-ce qui ne va pas ? dit elle en hésitant. J’ai dit quelque chose de travers ? Dis-moi? … Racontes? …
Mais non, ce n’est pas toi je t’assure tu es une merveilleuse amie, qui écoute, toujours souriante, toujours prête à rendre service… Abigaïl soupira de soulagement. Elle était hors de cause.
Est-ce que … je peux t’aider ?
 
Les sanglots redoublèrent… Mais finalement elle se calma et tenta d’expliquer entre deux sanglots les causes de son désarroi.
 
Elle commença par dire que tout allait bien, trop bien. La perplexité d’Abigaïl augmenta. Elle continua en disant que tout son entourage était merveilleux, que son petit ami était une perle rare, que son boulot était passionnant, qu’elle n’avait pas le temps de s’ennuyer, qu’elle rencontrait des tas de gens intéressants, qu’elle avait une famille adorable… que tout roulait quoi ?
En essuyant une larme, elle leva les yeux vers Abigaïl dont le regard affichait un énorme point d’interrogation. Mais alors ? hasarda t’elle.
Mais alors ? je voudrais de temps à autre un petit nuage noir dans ma vie. Si je pleure, c’est de bonheur c’est parce que je suis trop heureuse.
Tu comprends, nous nous aimons tout va bien entre nous, jamais de disputes, très rarement, jamais de grincements et tout le reste de ma vie c’est pareil jamais le moindre problème…
 
Elle voulait être malheureuse, ne savait pas ce que c’était et simplement n’y arrivait pas …

Lorsqu’elle avait un coup de blues, Abigaïl se souvenait de sa vie passée et de ses grands et petits bonheurs. Les images du passé commencèrent à défiler lentement et devinrent de plus en plus précises. C’était avant Abigaïl.
 
Ce jour-là, tristement semblable aux autres en cet hiver doux, mais morne, Joseph Poliatevsky faisait la vaisselle, en regardant par la fenêtre de la cuisine qui donnait sur la rue principale d’un petit village des environs de Bruxelles. Il voyait passer les nuages gris qui lentement poussés par le vent allaient encore se déverser au dessus de sa tête.
 
Tel était son quotidien chaque après-midi, depuis qu’il avait pris sa retraite. La vaisselle, les nuages, les quelques passants dans la rue. Joseph Poliatevski avait horreur de l’hiver. Et des pensées lugubres se succédaient dans sa tête.
 
Il trouvait que ça avait mal commencé dès sa naissance. Quelle idée avaient eu ses parents de l’appeler Joseph. Il leur en voulait un peu à cause de ça. Il avait horreur de ce prénom et rien de ce que lui renvoyait le miroir, le matin à son lever, ne l’enthousiasmait.
 
Mmm ….. Ouais pas vraiment Georges Clooney se disait-il amèrement, plutôt Woody Allen mais en plus grand et avec moins de cheveux! Quoique ceux qui restaient étaient d’un châtain foncé grisonnant assez acceptable, somme toute. Il avait aussi une taille assez grande et fine et de belles mains, un visage ovale doté d’un menton carré assez séduisant. Mais globalement il ne pouvait s’empêcher de soupirer de résignation.
 
Avec ses lunettes et cette cicatrice qui lui barrait le visage entre la narine droite et la commissure de sa lèvre. Saleté de mélanome, va ! Il n’y avait vraiment pas de quoi s’exciter. Intellectuellement ce n’était pas terrible non plus. Il n’avait pas une imagination débordante, il avait toujours fait son métier d’ingénieur, honnêtement, sans plus.
 
Bref, il se voyait en Droopy, vous savez le Droopy des cartoons, qui vous regarde tristement en disant d’une voix monocorde : « hier j’étais un chien, aujourd’hui je suis un chien et demain je serai encore un chien ».
 
Même chose pour sa vie avec madame Poliatevski , comme il l’appelait maintenant : une routine blafarde et emplie de non-dits. Pourtant, elle était presque aussi belle que lorsqu’il l’avait épousée. Comme il l’aimait alors avec ses cheveux auburn encadrant un visage d’un ovale parfait, d’un teint pâle avec des joues légèrement rosées et ses beaux yeux bleus étonnés. En la regardant, il avait l’impression de se trouver face à « La belle ferronnière » de Léonard de Vinci. Il avait toujours eu un faible pour ce tableau.
 
Et la belle avait fini par sortir du tableau, bien vivante, pour l’aimer lui. Comme il était fier alors de sa musique ! Il passait des heures à l’écouter jouer de sa harpe. Il observait avec délices sa position si gracieuse lorsqu’elle faisait sonner son instrument, avec sa tête légèrement penchée, attentive aux cordes qu’elle pinçait. Sa douceur le ravissait.
 
Puis l’incandescence de la jeunesse avait insensiblement fait place à la permanence et à l’ennui. La terrible routine de l’habitude et du ménage s’était installée insensiblement, insidieusement. Elle ne jouait plus à présent. Elle l’appelait « Joseph », plus jamais par les petits noms affectueux d’avant : « mon chéri » ou « mon trésor ». Et il en souffrait.
 
Ils oubliaient de plus en plus souvent les anniversaires de leur vie. Il leur restait de l’estime l’un pour l’autre, mais plus rien de cette étrange alchimie qui est l’apanage des amoureux. Ces derniers temps, elle quittait même la maison pour de longues heures, sans rien dire. Et souvent, il ne se rendait même pas compte de son absence avant qu’elle ne rentre. Que lui importait d’ailleurs … Elle était libre après tout … Si ça pouvait la rendre heureuse …
 
Il en était là dans ses ruminations lorsqu’une voiture passa. Elle tirait une remorque où se trouvait une cage dans laquelle un chien aboyait. Sans savoir pourquoi, il regarda la grande horloge qui pendait au mur de la cuisine et égrenait les secondes avec un bruit de métronome. Il était exactement 16 heures 11 minutes. Oui, 16 heures 11 minutes. Exactement.
 
Monsieur Poliatevski se sentit envahi par un sentiment étrange. Un bonheur inconnu le faisait frissonner. Et voici que les murs de la cuisine s’évanouissaient … Ils étaient remplacés par… par une plage ensoleillée qu’il reconnut immédiatement. C’était celle où il jouait lorsqu’il était enfant, il y avait si longtemps, si longtemps…
 
C’était quelques années à peine après la fin de la guerre. il avait cinq ou six ans. Il était heureux de jouer dans le sable au bord de la mer du Nord sous le regard attentif de ses parents qui lui disaient de ne pas trop s’éloigner.
 
Le soleil était de la partie. Il entendait le bruit des vagues, le cri des mouettes. Il sentait la bonne odeur des embruns et de la marée. Un faible vent faisait voler ses mèches blondes. Il sentait la tiédeur de l’air sur son petit corps déjà bronzé après quelques jours d’exposition.
 
Il ramassait des coquillages, les longs blancs qui servaient de monnaie pour acheter des fleurs en papier. Il allait auprès d’autres enfants qui tenaient des petites échoppes faites de sable et sur lesquelles étaient piquées les fleurs en papier crépon ou papier de soie de toutes les couleurs et de toutes les tailles. Cela allait de la petite fleur rouge toute simple à de grandes fleurs très sophistiquées faites de papiers de couleurs différentes.
 
Quand une fleur avait l’heur de lui plaire, il la négociait contre quelques-uns de ses coquillages. Parfois il engageait la conversation avec un autre enfant. Ils s‘échangeaient leurs noms, se demandaient leurs âges, levaient un index pointeur vers l’emplacement de leurs parents.
 
Ce jour-là, Joseph était devant une échoppe tenue par une ravissante gamine qui devait avoir à peu près le même âge que lui. Elle s’appelait Marie. Elle lui apparut comme « la » fleur parmi les autres fleurs. Il voulut lui parler lorsque soudain il s’entendit appelé.
 
Il tourna la tête et la vision s’estompa à la vitesse de l’éclair, le rêve était brisé. La plage, le soleil, ses parents, la petite fille… Il se retrouva les mains dans son eau de vaisselle, la gorge nouée. C’était son épouse qui lui répétait :
– Joseph, quand tu auras fini, n’oublie pas de descendre la poubelle
 
Monsieur Poliatevski avait envie de pleurer.
 
Joseph Poliatevski n’avait jamais connu une telle félicité. Mais comment cela lui était-il arrivé ? Il voulait rattraper son rêve. Il cherchait sans succès, ne voyant aucune circonstance pouvant l’expliquer. Il se voyait faire la vaisselle, puis une voiture avec un chien était passée… Voilà ! C’était ça. C’était la voiture ! C’était le chien qui aboyait ! C’est alors que tout avait commencé ! Mais non, il voyait passer cette voiture et ce chien tous les jours…
 
Les jours s’égrenèrent Joseph faisait sa vaisselle et espérait. La voiture et le chien continuaient à passer vers la même heure. Il n’y faisait même plus attention. Mais un jour, lors du passage du chien, il regarda la grande horloge de la cuisine : 16 heures 11 minutes. Et il se retrouva sur la même plage. Il était adolescent à présent.
 
Il avait retrouvé Marie qui était devenue une fille ravissante : un beau visage ovale encadré de longs cheveux auburn, des yeux bleu profond, un teint hâlé … Elle portait une petite robe en vichy à petits carreaux rose et blanc avec de courtes manches bouffantes qui mettaient en valeur la courbe de ses bras. Un joli petit décolleté laissait deviner une poitrine presque formée et des jambes fines et galbées terminées par des ballerines roses complétaient cette œuvre d’art. Elle lisait, assise dans un transatlantique, non loin de l’endroit où lui-même Joseph se trouvait avec ses parents.
 
– Bonjour Joseph lui dit-elle avec un grand sourire . Sa voix était très douce et lui, désespérément sous le charme, était tombé totalement amoureux.
– Heu… Ah… Bon, bonjour, Marie balbutia Joseph en rougissant. Elle l’avait reconnu. Et elle aussi l’aimait. Il le voyait dans ses yeux. Il en était certain. Enfin presque…
– Vite, vite, quelque chose d’intelligent à dire songeait Joseph. Il lui demanda ce qu’elle lisait …. Bon, pas terrible ….
– Oh une histoire de la musique. j’ai un examen à repasser en septembre dit-elle en faisant la moue. A propos, si tu ne fais rien cet après-midi on pourrait aller faire du vélo reprit-elle immédiatement avec un sourire complice.
 
Joseph croyait rêver …. C’était elle qui lui proposait quelque chose à faire …
Et dès ce jour les vacances passèrent comme un éclair. Tous les jours les deux adolescents se retrouvaient pour de longues promenades à bicyclette, des parties de tennis ou simplement de longues promenades sur la digue en se tenant par la main.
 
Parfois le soir ils allaient souper chez l’un ou l’autre parents qui avaient fini par faire connaissance.
 
Une fois encore, le rêve se brisa, les murs de la cuisine réapparurent brutalement, il fut « rappelé » mais cette fois, c’était par un son qu’il connaissait… qu’il n’avait pas entendu depuis…. depuis une éternité… Oui, c’était bien un prélude de Bach. Il poussa avec un peu de crainte la porte du salon. Et c’était bien Marie, avec sa harpe. Il comprenait à présent où elle passait ses après-midi : elle s’était remise à travailler son instrument !
 
Et ce prélude, c’était le morceau qu’elle avait joué juste après avoir dit « oui » à sa demande en mariage, ce 16 novembre là à 11 heures. Sans cesser de jouer, Marie le regarda avec le même sourire qui l’avait séduit, alors, sur la plage.
 
Joseph s’assit dans un fauteuil, tout près d’elle et l’écouta jouer, comme il l’avait fait tant de fois. Des larmes coulaient doucement sur ses joues. Des larmes de joie

Ce soir-là Abigaïl sirotait un apéritif à l’occasion d’un vernissage à laquelle elle avait été invitée.
 
Elle adorait snober de temps à autre dans des manifestations où le commun des mortels étalait ses petites vanités.
S’immerger dans ces petites bouffées de m’as-tu-vu la faisait sourire intérieurement et lui rappelait les jours heureux de sa jeunesse insouciante.
Elle avait de l’affection pour tout ce petit monde.
 
Lectrice assidue du Livre des Snobs de Thackeray elle ne ratait jamais une occasion de partir en safari d’observation dans une de ces manifestations de la haute culture.
 
On regarde distraitement les œuvres exposées et l’on en parle d’un ton se voulant savant avec des voisins inconnus regardant la même œuvre que vous.
Abigaïl avait trouvé une tactique imparable pour parler de culture avec des gens qu’elle ne connaissait pas.
Il suffisait d’être décalé d’un art. Ainsi dans un vernissage elle utilisait des termes de musique pour donner des appréciations sur les couleurs et les formes affichées et vice et versa…
 
Se trouvant devant une abstraction multicolore ( j’allais dire technicolor…) qu’elle ne trouvait pas très inspirante, lui rappelant certaines œuvres de Niky de St Phalle obtenues en tirant à la carabine sur des pots de peinture empilés dans un cadre doré. Bref pas terrible, lorsque son voisin d’observation la tira de ses pensées :
 
– vous aimez ? Manifestement il avait besoin de parler. Il était probablement aussi paumé qu’Abigaïl en cet endroit de luxe et de petites misères.
– …. léger silence suivi d’une moue simulant une intense réflexion …
– mouais, cela me rappelle Niki de St Phalle à ses débuts, lorsqu’elle s’essayait à de nouvelles recherches …. comment dirais-je … c’est musical, mais je trouve qu’il y a des dissonances dignes de Messiean dans ses œuvres pour ondes Martenot et blablabla et blablabla….
 
Là, elle était sûre qu’elle venait de clouer le bec à l’interrupteur ….
Et voilà la tactique diabolique d’Abigail se mettait en route, parler musique sur de la peinture….
 
Un peu décontenancé, le voisin poursuivit sans vouloir perdre la face:
– euh, vous avez raison… Et dans un dernier sursaut, il ajouta histoire de changer de sujet au plus vite:
– oui, oui, vous avez raison…. et je ne mettrais pas ça dans mon salon, d’ailleurs avec tous les cambriolages qu’il y a ces temps-ci.
– Ah? vous vous êtes fait cambrioler ?
– Non, non, pas moi. J’ai une grande maison et j’ai un système infaillible qui détecte toute intrusion anormale, lance une alerte assourdissante, et est connecté au poste de police le plus proche… un SafeHouse, le top des systèmes, quoi! ( apparement la Rolls des système de sécurité dans son esprit…)… Il était manifestement heureux de pouvoir parler d’autre chose… Et vous ? Un cambriolage, ça vous est déjà arrivé ?
 
– Non, et je pense que ça ne m’arrivera pas.
– ??? Ah bon ??? Vous avez une alarme aussi ?
– oui, une RumbaRaku depuis pas mal d’années déjà.
– RumbaRaku? Tiens je ne connais pas ce système pourtant avant d’installer le mien je pensais avoir fait le tour du marché. … Euh, c’est japonais ?
 
– Non, non, c’est bien de chez nous. La l’auditeur d’Abigaïl semblait un peu perdu.
– Et je peux savoir où vous avez trouvé ça ?
– Dans un chenil. Ce sont les noms de mes deux grands chiens. L’un s’appelle Rumba et l’autre Raku et je vous assure qu’il n’y a personne qui entre lorsque je ne suis pas là. Ils sont parfaitement dissuasifs.

En se réveillant un beau matin, Abigaïl ressenti qu’elle avait une âme. C’était venu comme ça, pendant le nuit.
 
Elle croyait avoir rêvé, mais l’impression était persistante et continuait à vouloir lui parler.
Un grand bonheur mêlé d’une émotion indéfinissable l’envahit. Et elle se mit à chérir son âme tout neuve, en silence tout d’abord puis à lui raconter un peu n’importe quoi.
 
Elle l’entendait sourire à tous ses propos décousus. Le genre de choses que l’on dit lorsqu’on vient de découvrir quelque chose de nouveau et de très excitant. Enfin quelqu’un qui l’aimait pour ce qu’elle était.
 
Son âme lui disait qu’elle se sentait bien chez elle ce qui fit pleurer Abigaïl de bonheur.
 
Elle ne savait pas d’ou venait son âme mais devinait que c’était quelque chose de très fragile qu’il fallait protéger et dont elle était responsable….
 
Son âme avait un corps ou bien son corps avait une âme.? Elle ne savait pas.
 
Mais elle devinait que c’était son âme qui avait un corps….
 
Maintenant elle comprenait d’où venait ce bonheur qui l’envahissait lorsqu’elle se promenait à travers champs et bois à écouter les oiseaux, à sentir le vent jouer dans ses cheveux et caresser son visage.
 
Elle venait de découvrir la vie qui coulait en elle.

Il y a des lieu curieux.
 
L’autre jour Abigaïl se rendait auprès d’une des associations dont ell fait partie. Suivant son habitude, elle empruntait toujours le même chemin.
 
Elle vit deux amoureux s’embrasser sur le trotoir. Rien de spécial à première vue.. sauf que… sauf que les mois suivants se rendant toujours à son association, ily avait chaque fois des amoureux qui s’embrassaient sur le même trottoir… il n’en sufffisait pas plus pour attirer l’esprit curieux d’Abigaïl qui se mit à échafauder des théories sur l’espace-temps… des endroits spéciaux où l’amour se concentre…. et pousse les gens l’un vers l’autre…
 
Elle se dit que la meilleure façon de le savoir était de faire des expériences.
 
Elle ne savait pas très bien par où commencer,… se poster à l’endroit où elle avait vu le couple et interpeller le premier venu ? Oui! Ça c’est une bonne idée…
 
Elle s’est postée à l’endroit où elle avait vu les couples s’embrasser….puis a attendu…et interpellé le premier passant en lui demandant de l’embrasser persuadée que sa théorie allait fonctionner… le passant la prend pour une folle et s’en va, …. le suivant l’invite à prendre un verre et se fait entreprenant.. mmmmm… ça ce n’était pas prévu par la théorie et elle a toute les peines du monde pour s’en débarrasser. Sa théorie prévoyait que le sujet allait tomber irrésistiblement amoureuse d’elle …
 
Après encore quelques tentatives malheureuses, elle s’est retrouvée au poste de police pour racolage malgré ses explications sur l’espace temps. … Il y a encore des détails à investiguer dans sa théorie.

Tu es là …. Toujours là.
Tu es là lorsque la joie envahit mon cœur,
Tu es là quand le papillon se pose sur la fleur,
Tu es là lorsque les étoiles m’émerveillent,
Car je Te vois dans chacune d’elles.
Tu es là lorsque le mendiant me jette un regard plein d’espoir,
Lorsque je vois le blé onduler sous la caresse du vent,
Je sais que c’est Toi qui passes,
Dans le doux parfum de l’être aimé, c’est Toi que je sens.
Quand une douce émotion enserre mon cœur,
Je sais que Tu es là pour y faire mon bonheur…
Tu es là quand j’entends un chant dans mon âme.
Tout d’un coup, j’ai senti que Tu étais là.
J’écoutais de la musique en étudiant ta langue,
Quand brusquement dans ce bien-être qui m’envahit,
J’ai senti Ta signature, le bonheur de tes créatures.

Abigaïl ?
 
mmm…..
 
Hé … Je te parle …
 
Quoi encore? Ça fait la troisième fois cette semaine… Arrête de m’emm…!
 
Quel langage! Mais je ne t’emm… pas comme tu dis,… enfin je ne pense pas. Et puis c’est ta faute! Tu n’arrêtes pas de dire à qui veut l’entendre que Je n’existe pas; que Je suis un mauvais rêve; que tout ça se passe dans ta tête…. c’est vexant à la fin. Je voulais simplement te faire remarquer que si Je n’existais pas toi non plus …
 
….. ? Bon j’existe. C’est quoi ce nouveau truc …
 
Mais je suis toi et tu es Moi. Tourne ça comme tu veux. Tu es une partie de moi, une minuscule partie, un microscopique partie. Je suis dans chacune de tes cellules et chacune est en moi.
 
? …. une partie minuscule ? De ton point de vue peut-être. Si tu dis ça pour m’humilier c’est raté. Je ne me trouve pas si mal que ça. Et puis, si je suis Toi comme tu dis, tu dois t’attendre à des répliques …
 
Mais non je ne cherche pas à t’humilier Oui tu as raison comme tu es Moi, cette partie minuscule M’est nécessaire pour exister et je me trouve belle en toi. Tu sais que tu finiras par m’émouvoir.
 
Sans vouloir te vexer, je Te trouve un peu compliquée. Si je te comprends bien, ma meilleure amie c’est Toi aussi ?
 
Exact!
 
…Et ma pire ennemie ?
 
Moi aussi. Mais oui! sans eux et tout le reste Je ne peux exister.
 
Tout le reste ? …C’est qui quoi tout le reste ? la Terre ? … les étoiles ? …Les bandes de demeurés et d’obscurantistes qui n’arrêtent pas de se battre et de s’entretuer. Eh bien! je ne Te félicite pas.
 
D’accord pour les demeurés ça a un peu foiré. Je leur ai donné l’illusion qu’ils étaient libres de faire ce qu’ils veulent…. mais il n’y a pas que ça. Regarde dans ton jardin. Les belles fleurs que tu aimes tant c’est Moi.
les petites souris qui courent dans l’herbe c’est encore Moi et même l’herbe c’est Moi…
 
Je te sens venir là,… tu va me dire que ton chat qui bouffe la gentille souris c’est encore Moi et que c’est un peu dégueulasse d’avoir fait ça.
Mais comme le chat c’est aussi Moi je ne fais que me manger.
 
Mouais… sans commentaires. Discutable non?…
 
Les grands arbres, les ruisseaux d’eau claire, les grands fleuves, les mers et tout ce qui vit c’est Moi…. Les nuages dans le ciel, les étoiles, les galaxies, les atomes, l’espace, le temps … tu vois je n’ai pas tout raté. Et puis quelques demeurés sur un minuscule petit rocher sphérique ce n’est pas vraiment grave…. Tout est en Moi et est Moi
 
Arrête tu me donnes le tournis …. Pas grave, pas grave ! Comme Tu y vas. Je vis parmi ces demeurés et il n’y a pas un jour qui passe sans apprendre l’une ou l’autre bêtise ( je reste polie Tu remarques) de leur part. Et en plus ils n’arrêtent pas de dire qu’ils font ça en Ton nom.
 
Excuse Moi! Il y a très longtemps comme Je m’ennuyais j’ai fait un peu n’importe quoi.
Je Me disais que ce serai chouette de pouvoir parler à quelqu’un qui me ressemble. Tu sais ce n’est pas drôle l’éternité et personne avec qui causer.
Pendant un temps fou je ne faisais que créer des univers, des étoiles, de l’espace et puis j’en ai eu marre ….
…et il faut que ça tombe sur moi ?
 
Arrête de ramener ça à toi … Je les ai fait à ma ressemblance et comme je te l’ai dit « ils » peuvent faire ce qu’ils veulent …comme Moi d’ailleurs!
 
Bon, mais pour le moment j’ai bien l’impression que c’est à moi que Tu causes. Je me trompe?
 
Mais je parle à tout le monde en même temps mais beaucoup n’entendent pas et écoutent une volée d’intermédiaires qui s’estiment compétents pour me représenter sur Terre. De plus ils ont cru bon d’écrire une série d’inepties et de règlements soi-disant dictés par Moi il y a très longtemps et à suivre à la lettre pour Me contacter. Laisse-moi rire! Bon je M’égare là! Je ne me demande si ça n’a pas été une erreur de donner cette liberté.
 
Je trouve aussi … Mais il faut savoir ce que Tu veux. Tu as créé des avatars qui sont Toi. Alors, assumes!
 
Je te trouve un peu dure là. Non?…
 
Mets-toi à ma place! Je vois, Tu va me rétorquer que tu es à ma place vu que je suis Toi sois-disant… Il y a tout de même une légère différence. Le minuscule morceau de toi comme tu dis ne peut pas grand chose. Ca me plairait bien de pouvoir créer des univers, des étoiles, des mondes et toutes sortes de choses et des êtres, … juste pour voir. Je conçois qu’a la longue il faut une sacrée imagination pour inventer de nouveaux trucs.
 
Oui évidement tu es un peu limitée mais je ne veux que ton bonheur…
 
Arrêtes! Tu veux que je Te dise…. il y a des fois où je Te trouve un peu dégueulasse ….
 
? … Tu finiras par Me mettre en colère ….
 
Comment? tu Te permets la liberté de parole et tu voudrais que je m’en prive… Je songe à la fille de Japhté … à Job …. et en grattant un peu on peut trouver d’autres exemples qui ne te montre pas sous un jour très reluisant … Mais arrête de fulminer parce que je Te rappelle certains épisodes où Tu as voulu montrer Ta toute puissance, Ton omniscience …
 
Quoi? quoi? …. @&#%?§$….
 
Je peux parler? …. Sans me faire massacrer ?
 
Mmmm…. Vas-y.
 
Mais oui, la fille de Japhté que Tu as sacrifiée parce que son père avait promis de t’offrir en sacrifice le première être vivant qui sortira de sa maison s’il avait la victoire sur ses ennemis. Tu savais que cela allait être sa fille et Tu n’as rien dit. Je pense même que Tu as dû sourire en sachant ce qui allait se passer. Si ça n’est pas dégueulasse …. Tu as beau dire que Tes voies ne sont pas les miennes j’en ai encore le coeur déchiré quand je songe à cette histoire. J’imagine le père revenant victorieux du combat et qui voyant sa fille toute joyeuse qui sort de la maison pour se jeter dans ses bras et le féliciter et à l’instant même la douleur du père se rappelant le pacte qu’il avait conclu avec Toi. Tu devrais avoir honte de faire des trucs pareils …
 
Mouais … Mais remarques…. Il n’avait qu’à réfléchir avant de promettre n’importe quoi…
 
…mmmmmm…
 
Et Job que Tu as laissé martyriser juste pour voir s’il allait te reste fidèle suite à un pari stupide avec Ton alter ego, l’Adversaire …. Tu es un être cruel, inconséquent, imprévisible, colérique, …inhumain. D’ailleurs tu as perdu contre Job.
 
Modères-toi veux-tu? Tu finiras par vraiment me mettre en colère…. Je n’ai aucuns comptes à te rendre.
 
M’en fout! ….Si Tu crois que tu me fait peur ? … Je ne te maudit pas car je sais que je suis Toi, mais ça fait mal parfois d’être Toi.
 
Voilà! c’est mieux…. calme toi…
 
Tiens!’ pas plus tard qu’aujourd’hui encore…. j’ai subi une des cruautés dont tu as le secret. Je ne sais pas avec qui Tu as encore fait un pari stupide…. Ah, oui… voilà, je rentrais chez moi lorsque j’ai vu une pauvre mendiante assise par terre qui donnait le biberon à son nouveau né.
Comme je Te connais tu l’as sûrement mise là pour voir ce que j’allais faire… Eh bien oui je lui ai donné quelque chose.
 
Je n’aurais pas dû … j’avais à peine repris mon chemin qu’une autre mendiant accompagnée de trois jeunes enfants me tire le manche en pleurnichant.
Chaque enfant tenait un gobelet dans la main pour recevoir une petite aumône.
 
Tu m’as bien eue là. Je n’ai rien donné et évidement je me suis sentie coupable et insensible lorsque j’ai fixé un des enfants dans les yeux et lui ait dit non. Tu sais pourtant que je suis pas assez forte pour tout donner et Te faire entièrement confiance. Je sais que c’est ce que Tu veux…. une confiance aveugle en l’avenir comme Job.

Comme tous les matins, Abigaïl se leva vers sept heures et dans un état de semi-inconscience entra dans sa salle de bain et regarda par la fenêtre.
 
En ce jour d’hiver la lumière pointait faiblement le bout de son nez. Un ciel gris, chargé de rares flocons de neiges, préludait à une journée calme et triste mais non sans charmes dont seul l’hiver a le secret.
 
Et comme chaque matin, le grand miroir situé au-dessus de sa table de toilette et couvrant une bonne partie du mur, lui renvoya sans pitié une image endormie et un peu chiffonnée. Elle ne pouvait pas y échapper. Elle avait fini par accepter. Un jour de plus n’embellit pas. Mais à son âge ce n’était plus très grave, quoique …
 
Elle s’ébroua, se doucha et se pomponna suivant en cela un rituel immuable et finalement remercia l’Eternel pour la journée qui s’annonçait.
 
Pendant ce temps-là, sa chatte avait l’habitude de venir lui dire bonjour et lui rappeler qu’elle aussi était bien éveillée et qu’il ne fallait pas oublier de s’occuper d’elle.
Elle miaulait et ronronnait doucement en venant se frotter aux jambes d’Abigail. Dès qu’elle la voyait, Abigail lui disait bonjour.
Hélas ce matin-là, par une inattention de sa part et sans doute pas encore tout à fait éveillée elle lui souhaita le bonjour par un « Bonjour mon lapin ». Aussitôt la chatte lui jeta un regard vexé, disparut à l’instant et on ne la revit pas de la journée.
C’est vrai quoi! Se faire traiter de lapin, moi une belle chatte.