Péhéo
Biographie
QUIRITESVIRCLARISSIMUS
Poésies
Le masque obscur
Va
Et de ténèbres
Je suis le masque obscur
Que de ma bouche
Les yeux ouverts
La négligence
De tout et des souvenirs
S’enivrent
A embrasser !
D’entre deux mondes sans lumière
D’un labyrinthe
Peut-être du sable
Peut-être des murs
Une longue errance
Mais pas d’azur
Sinon l’absence
D’entre l’effroi et le silence
Ici de moi
Il n’y a rien
Qui ne soit sûr
A ce visage
De mon détour
Que la Gorgone !
La Fauvette
Hier encore je chassais les Heures – d’ici
Dans mes saisons
À regarder passer la vie
Cherchant ce sourire que tu m’avais promis !
Hier encore dans mes moissons – j’épuisais
Le monde et les oiseaux
À te donner l’envie d’alors
Pour ce baiser que je t’avais ravi !
Quand maintenant dans ces buissons
Et sans amour rien ne gémit
Rien ne frémit
Ni de fauvette ni de présence
Sinon le vent
D’ici déjà à ton absence !
De plein midi
Et d’une corde Sur un violon
Comme un accord
Entre les morts et les vivants
Tonne le vide Sonne le vent
Et d’une note
D’un long sifflement Frappe le temps
Ouvre le bal
La danse d’ici
Des chairs et des ossements.
Des trois squelettes
Le luth la flûte Le Tambourin
Des trois amants
Défont le monde Et l’évidence
Où d’un orchestre
D’une humanité sans fin
Refont la ronde Sur un violon
Et d’un seul pas
De tous de là
Battent les masques
Portent les morts.
Alors
la farandole des morts et des vivants
Danse le roi Danse l’évêque
À ne plus voir
Que de poussière
Comme d’une seule tête
Trébuchent les corps Tressaillent les âmes
Meurent les gueux Suivent les femmes
Sur d’un violon finir squelette
Partout
Rouée de face
Comme de miroir
Toujours amère
D’ici
Et de regards
Je ne renvoie à moi
Jamais
Que de charrois
Rien aux vivants
Rien au présent
Et puis d’effroi
La mort comme aux abois
De ça
Je suis l’enfer qui ne rit pas !
Au labyrinthe
Tombe la vie
Et de mes yeux
De tous ces corps
Coule la nuit
Toujours de vide
Et d’insensé
En ces enfers
Encore
Qui ne disent
Le jour
L’envers
La mort
Et l’autre
Des beffrois
Ruinés de tout
De ça
A mon regard !
Vienne le bruit
Vienne le vent
Je suis le face-à-face
Muet
De ce qui attend
La peur comme le sourire
Posés entre mes dents
Et le masque
D’un seul festin
Figé à voir
Ce que jamais on ne peut dire
Comme un destin de pierre
Enfreint entre mes seins !
Le Rossignol
Si le rossignol ce soir pouvait te dire
Si loin de toi ce que mon cœur ressenti
La nuit serait encore plus longue que l’hiver
Obscure et noir Ainsi à rejeter la vie!
Et j’attends ton retour comme on attend le jour
Pâle au pieds des arbres
La pluie sur mon épaule
L’alouette
Au midi tombé la tête couchée dans les blés
J’ai demandé à l’alouette
D’aller si haut
D’aller noyer
Là-bas——mes mots dans le ciel!
Alors d’azur qu’il t’en souvienne
Et le silence
D’aller plonger
Ainsi dans ton absence
Où mon amour se meurt
Léo part
Avec grand art
Sur la plage des galets
Au pays sénégalais
Il était blanc et noir
C’était vingt heures le soir
Ses yeux fixaient le ciel
Parti le brûlant soleil
Il suivait les âmes mortes
Trébuchant sur une motte
Quelqu’un le rattrapa
Mais personne n’était là
Sa bouche pleine de dents
C’était son seul coin blanc
Mais rose était sa langue
Crépu sa tête blanche
Rose, ses pieds, ses mains,
Il défiait le destin.
La mer sourdement mélangeant
Le sable, les roches, les galets,
Roi inconnu- presque riant
Riche d’amour son corps se pliant
Comme les palmiers accrochés
À la terre, aux tempêtes, au temps.
Les âmes regardaient Léo
Beau cet athlète lui offrirent un chapeau
Genre large comme sa liberté
Il le sentit à peine
Ne sera plus nu dans la plaine
À son retour bien longtemps après
Il ne trouva plus rien
Aucun de ses cousins
Ayant pris la mer
Pour un autre univers
Vers le haut, vers l’Europe
Mais la vie est bien salope
Lui ne partit pas
Et ne s’ennuya pas
Couvert par son chapeau magique
Il ne prit pas la vie au tragique
Personne ne revint
De ce si long chemin
Léo ne les oublia pas
Et tira son chapeau à son trépas.
Où est donc mon triste souvenir
qui d’un pas sans visage
sans amour
sans destin à venir
– et de femmes sans demain
descend dans l’arène – tuer,
ce montre hideux qui nous tyrannise,
cette bête immonde qui nous dévore et nous oblige,
cette chimère infâme qui nous torture,
cette illusion qui nous aliène,
cette chose épouvantable que l’on appelle langage ?
Où est donc mon frère, mon viel ami
Mon Minotaure de jadis!
Ce n’est pas pour rampez
Ni pour même pleurer
À être gazés
Condamnés
Dès lors embastillés, garrotés
Et Pendus à l’iniquité
Que nous sommes venus !
Non et si nous marchons encore
Les yeux arrachés
Ce n’est pas pour faire ordre
Mais pour faire nombre !
Et à force de tomber
Quand ils nous disent
Que demain c’est sûr
Demain ! ce sera mieux.
Et à force de compter
Quand ils nous disent
Qu’il faudra encore trimer
Encore ! pour mieux payer.
Et de là-haut
Pour ne pas les énerver
Quand ils nous disent
Suffit ! de rester invisibles.
Mais à force de tomber
Comme à force de compter — les suicidés !
…
Ne faudrait-il pas un jour se révolter ?
Le vautour
Je médits du monde comme je maudits de tout
Et de la vie tant lassée,
Interminable
Aux amours oubliées, aux sourires sans vous
Et de ma mort tant usée,
Inimitable.
Et je regarde ainsi laissé les yeux ouverts
Passer comme le vautour le ciel et le soleil
Le temps aussi, le bruit échu d’un souffle amer
De ce qui fut et la douceur de mon sommeil.
Dans ce chaos ici où sans amour je vis
Où tout s’acharne la mort sans cesse, à s’effondrer
Au silence absurde des choses sans vie
Je suis O vanité sans destins condamnés !
O curas hominum, o quantum est in rebus inane!
LUGETE, O VENERES CUPIDINESQUE…
Que pleurent les Vénus — Que pleurent les Amours
Il est mort le passereau de mon amie
L’oiseau, le miel et puis le ciel qui séchait ses pleurs
Qui jadis et de si haut et d’une seule voix
Tenait ma vie à la lumière de son cœur.
Des lors de nos destins que meure le matin
Et comme la nuit, sur des promesses jamais tenues
Laissée aux vents, elle est partie et je suis mort
Alors ici, échu, la pluie, qu’elle ne m’oublie
À écouter les oiseaux, qu’elle me revienne !
Il faut de tout désespérer
Du monde du moi des infinis
Comme à tout perdre les immobiles
Et rendre les choses impossibles
À tout précipiter dans l’oubli
Le beau langage et la belle vie.
Opuscule de Prévinquières
-1-
Voici donc les termes de ma lucidité, une feuille et du papier : pas même ce que je vis, pas même ce que je vois, à peine ce que j’écris.
De là le monde entier doit y rentrer, comme un océan dans un carré… un infini dans un néant, à y rester.
De ma raison, de ma passion, de cette lucidité, il n’est sera jamais qu’ainsi : de l’encre oubliée dans un cahier. Et puis déjà demain, la pluie, les pleurs, tout à recommencer… un autre monde, d’ailleurs, à y jeter.
Et pourtant je plonge encore à m’obstiner, d’ici à traverser, l’idée obscure que je m’en fais.
-2-
Ainsi, de ça qui ne résout pas (le monde) j’écris de ma logique avec ce qui ne s’ouvrent pas (les mots) ; où de l’illusion que nous en avons, à l’évidence comme à l’abîme des jours — entendez-vous ! — le langage n’a pas d’extérieur ! Et hormis peut-être sa présence, il n’a pas d’horizon.
Alors d’ici rien de commun, rien de repère, une transparence ; de celle qui nous ferait croire que toute chose est dans le langage — c’est notre désir du monde ! — que toutes les choses sont dans les mots, et à l’évidence leurs ombres, leurs cavernes — et même leurs larmes.
Mais de larmes (lacrimae rerum), il n’y en a pas : je suis allant à l’intérieur d’un monde, parlant dans un langage sans extérieur !
-3-
À comprendre — le monde est hors langage et le langage n’a pas d’extérieur — est une raison logique – un bricolage obligé à précipiter le silence et le temps dans la dimension où je suis :
« Ce qui qualifie le monde c’est le silence, ce qui qualifie le langage c’est le temps, ce qui me qualifie c’est ma présence entre le temps et le silence. Ailleurs, je n’irai pas ! »
-4-
S’arrête ici d’un trait toute votre enfance: l’expérience et de l’artifice du dire ; quant au dégout, le mien, de tout ce temps passé à l’innocence. Pas de cris pas de bruits juste une solitude béante à l’insensé — et l’inouï, l’inouï quand même de la clarté.
et à désespérer aussi qu’alors s’arrête ici toute votre enfance : celle de l’illusion, de l’expérience et de l’artifice du dire ; celle la mienne encore et le dégout de tout ce temps passé à l’innocence.
A comprendre enfin, qu’il nous reste ce geste tant efficace d’une stratégie érigée en désir d’une vertu violentes où aveugles nous croyons voir.
Et quand bien même vivre reste une expérience sans visée ;
La mienne ne fut et le dégout de tout ce temps passé à l’innocence
quand bien même voir et saisir ne signifie rien ni ordre ni émotion
De cet impossible de l’insensé ce qu’il nous reste – l’inouï quand même d la clarté
Et que ferais-je de ce silence le monde – de ce temps le langage et notre évidence
Il faut de tout
Du monde du moi des infinis
Comme à tout pendre des immobiles
Désespérer
Et rendre les choses impossibles
Debout – à tout précipiter.
Enfant je jouais, le temps qu’il me compta, à n’être les yeux fermés
Qu’ainsi qu’il me laissa, Aux dés, entre les dents à dévorer
Caché, mourant de naître, Au plus profond de la lumière !
Et là de rire, enfin lucide à ne plus savoir parler
Ivre dans le silence, Qu’ainsi je jouais, à toute emprise
Un jeu sans humanité, d’un monde incommensurable !
Ô mon amant
Crois-moi
Ici
L’effroi de la beauté
Ne se voit pas dans le miroir
Et pourtant
Partout de la clarté
Partout de la lumière
Le laid infiniment !
Le labyrinthe de la Gorgone Bleu d’Encre Editions 2013
Et se penchant alors sur son sexe en appui
le Minotaure
extasiez ! la femme démembrée
et tout en ça
imposez ! sa forme impérative.
Variations sur le Minotaure amoureux Editions Clapas 2001