Lyzstéria Valner
Biographie
…
où on la croise de temps en temps.
Elle croit qu’autrefois, en un autre temps,
elle était suspendue à la Kaaba,
qu’elle était une canaille dans le ventre d’Al Madina,
qui a pour nom Omar Khayyâm… ou Adonis,
et qu’elle était, déjà, les yeux d’Anubis.
Que c’est elle qui a donné l’alerte quand elle vit Apophis
couché sur le ventre d’Eden
Que c’était le son de ses pas que l’on y entendait
quand l’Autre y marchait
avec les pieds d’Adam !
Elle croit que le sang n’a pas d’odeur
ou alors celui d’une clameur
qui ne dure qu’un instant.
Elle a dit qu’elle est née de l’Harmattan,
que c’est elle qui renversa les Cités ;
Qu’elle souffla sur Jéricho l’effrontée,
qu’elle repeint des pigments de Damas
et des bleus d’eau d’Antonin Artaud.
Elle dit: « c’est moi qui ait aveuglé Tirésias et rendu muet la parole d’Esdras.
Je suis l’hostie noire et le chemin de vie….
…mais ils ont pris
pour idole un veau! »
Elle croit qu’elle est une fleur de sang éclose sur la prairie des nuits inverses,
qui bouillonne à gros sang par les vertes journées d’averses.
Elle croit qu’elle est un chancre qui pousse sur les parchemins d’un retour au pays natal
….qu’on l’y croise souvent…
…qu’on l’y croisa de tout temps,
en compagnie des soeurs Nardal
et de Tristan Corbières.
Elle croit que son triste coeur en bière
oh,oh,oh, méritera bien Les Halles.
Elle croit qu’elle a vu la Lune bien avant 69,
souviens toi qu’elle était, déjà, Lave en 79.
Elle dit: » Je suis le Omar de Nerval qui s’est perdu sur la lune
et la dormeuse du val qui hulule sous les dunes! »
……………………..Alors ?…
toujours le petit mort…… pour rire ?
Bibliographie: Auteur de trois recueils à publier
1.- Kalipsodies (2014)
2.- Vingt poèmes d’automne d’après 13 novembre (2015)
3.- Poètes & Mots dits (2016)
Contact:
Lysztéria Valner
S/c
Baba-Akhib AÏDARA
Tél: +32.(0).496.910.908.
E-mail: baba_aidara@hotmail.com
Poésies
(Mélancolie pour Christine)
Sur la piste Hô Chi Minh où j’erre seul à présent
Pendu au firmament de la fourche-caudines
Quand cherchant l’églantine et ton ombre Christine
Dans le doux tintement des étoiles et du vent
Me répond ce silence à l’amer troublant
Sous le lys insistant de la mer des absences
De l’ultime désinence et de l’évanescent
Comme un sourire d’enfant porte toutes les violences
J’emporte en mon tourment sur la piste Hô Chi Minh
Nos amours orphelines et les plaintes du temps
Et toutes les soies de Chine que je porte en pleurant
En pleurant douce Christine sur la piste Hô Chi Minh
Où m’en vais cheminant me coucher en chantant
Les amours cristallines qui meurent au printemps…
(Sonnet pour Sonja)
Une rose à la main et puis de la dentelle,
Des pétales de juin, de la rosée et du miel
À cultiver le jonc dans les yeux de Sonja,
À suivre son dragon penché sur le sofa,
Et puis à rêver d’elle, moi qui suis vagabond,
Qui trahit Cupidon ; qui n’irai pas au ciel.
Il me reste des bonbons et les îles Seychelles,
De la poudre de cannelle et mon cœur en haillon.
On me dit assassin, voleur de l’or incas.
J’ai tué le soleil et ne m’en repens pas !
En la plaine d’Issoudun avant que l’on m’emmène
Ramasser les oursins, embrasser l’anophèle…
Dans l’ombre d’une persienne, à Venise ou à Sienne
Je ferai comme Rodin… sculptant ton corps, Sonja !
(Sonnet pour Rudel, Orléans, Hugo & Tchicaya U Tam’si)
À nos amours de loin éphémères et chagrins
Qui impriment dans les plâtres le néant et le rien
Et si Dieu veut dans l’âtre dissoudre mon parfum
Et me rendre à l’amer sur des rivages éteins
Un fétiche à trois clous pour clouer mon destin
Ou un prophète fou pour me tenir la main
Me mener au festin du tyran de Padoue
Hugo capitolin attendant sous le houx
Et le bréviaire ancien qui déjà me condamne
Poursuivi par les Mânes et les djinns ophidiens
Sur des coursiers d’airains piétinants la pivoine
Où mon âme se pavane ma tête jetée au Rhin
À boire l’antimoine que je mêle à mon vin
Cuvée de grand venin servie sous un platane
Il faudrait tout un jour pour vous faire un poème
Et tisser tous les drames de nos vies incomprises
Dans la lande de ces langues aux Babylone prises
De sables trop anciens mêlés de marjolaine
Crin de larmes de lin et sanglots des panthères
Pour un ciel violet volé aux haruspices
Or une étoile est morte, m’en reste le mystère
Et puis ce songe fugace – Ulysse n’est qu’un sophiste ?
Voulez-vous relever vos jupons et vos jupes ?
Couvrez ce cœur gelé, cette banquise incendiée,
Ne craignez ni la mort, ni même ce jeu de dupe
Je dirais une prière pour laver ton péché
Mentirai aux étoiles sur l’avenir des cieux
Laisse-moi, une fois encore, me baignez dans tes yeux
Sur un vers de Shakespeare et sa traduction d’Y. Bonnefoy
Quand le crayon du temps ou ma plume novice
Parlerons du port d’Odessa ou du Barde Taras
Qui peignit Ira Aldridge dans des tons de réglisse
Ce tragédien Peul, ce Shakespeare de ma race
J’irai offrir des fleurs aux yeux verts des Ruthènes
Et célèbrerai la gloire de ton dur sang varègue
Qui les a laissés cois, mieux, qui les a rendus bègues
Quand le crayon du temps et ma plume novice
Trempés dans la rosée noire et le clair de nos jours
Auront oubliés la Horde d’or et les noms ouïghours
Dont il ne restera dans le ciel qu’une vague cicatrice
Tes chants, Kobzar, nous en redirons l’antienne
With the Time’s pencil and my pupil pen
Avec le crayon du temps et ma plume novice…
De la Rus’ de Kiev aux plaines d’Uppsala
On a bien rasé Yggdrasil, qui s’en souvient ?
On rasera bien Kiev, si l’on ne s’en plaint…
Et dans ce ciel luisant de rouge et d’or
Où mugit le canon vagissant de la mort
À Grozny, hier encore, je cueillais du lilas
Et mon juif sang Khazars noiera toute la Volga
De la Rus’ de Kiev aux plaines saintes d’Uppsala
J’ai rêvé comme rêvait autrefois Oleg le Sage
Et je pleure du rire fou de Vladimir le Malavisé
Car la mort au galop vient sur le cheval d’un mage
Si l’on en croit Pouchkine aux rimes russes et bronzés
Par mon sang noir qu’Odin accueille au Walhalla
Par mon juif sang Khazars versés pour la Volga
On ne rasera plus Yggdrasil, ni Kiev, ni Uppsala !
Vous pensez Zemmour clair donc vous le pensez juste
C’est une erreur tragique et bien digne d’Eschyle
Qui met un doigt d’honneur à taquiner les perses
Mais, moi je te connais par cœur aurait dit Perse
Vous êtes le strongyle excrété par les villes
Des campagnes de France vous êtes la Locuste
Je garderais mon prénom, Monsieur, ne vous déplaise
Et même ma religion et ma tête congolaise !
Je ne vol, ni ne tue.. enfin bien moins que vous
Et bien clair est ma vue, votre or n’est que de boue !
Elle est belle et debout, La Négraille est fort fière
D’être de la résistance qui va au Panthéon.
Nous porterons boubou tout en lisant Homère
Répondrons à l’outrance, riant comme un Gascon !
(Sonnet pour Nima A.)
N’oublie pas, que demain il fera jour, Nima
Que les soleils embraseront la parmélie ;
Que je suis de poussière , du lys et de la nuit,
De tes nuits sans sommeil et du jour renégat
Que malgré tout, demain il fera jour, Nima
Que je suis de ton sourire pastel et lilas,
Et toute la nuit, la lune te le dira, je lui
parle de ma fille comme de cent-dix mille infinis
Et les étoiles piaillent comme de vieilles femmes jalouses
Elles crient aux matins blêmes et à la voie lactée
Elles en appellent à Maât, aux Mânes et puis aux Heures
De Loki je connais les charmes des dieux tricheurs,
J’appris des dieux hindous la langue de Galatée
Demain, il fera jour… Nima…ce n’est qu’un blues
(Sonnet pour Aliya)
Ah sacrée mélanine taux de suie et ton d’huile
Et la rue sombre qui me rend suspect sous la lune
Comme Alexandre je gâche le soleil même aux îles
Douce Mélanine sous la cendre mon importune
Garde toi des regards et tais mon infortune
Qu’importe le silence froid à mon cœur blessé
Dans l’univers solitaire où je n’ai qu’émargé
Et pourtant de Chopin j’aimais tant les Nocturnes
Et toi, Valner ? Oui toi, mon amie taciturne
Ramène-moi les jours doux, les poèmes de Nerval
Et les maux interdits qui réveillent les étoiles
Lors j’irai, cristalline, dans les près et le val
Retrouvée Mélanine et le cœur apaisée
Sous la chair-Marine lui volé un baisé
Monet nous va si bien comme l’iris à vos yeux
Que j’ai cueilli, je crois – c’était l’été dernier-
À danser sur les toits oh nous étions heureux
Juste vous, Monet et moi et puis quelques rosiers
Vous m’avez dit, j’y songe , Vous, ma muse Dahlia :
– Aimes-tu les nymphéas et les poèmes de Ponge ?
Moi, mon cœur en éponge préfère le Mimosas
Et puis les herbes folles de nos nuits en mensonges
Oh ! Tu te lasseras vite de moi et…. du lilas
…C’est à cause des pastels qui au cœur sont cruels
Comme le sont tes «je t’aime», le bouquet de freesias
Et l’hysope fleurie sur mon corps d’aquarelle
Dessous mon rire qui saigne -Te moqueras-tu de moi ?-
De mon enfance brûlée avec quelques châtaignes…
Et que Dieu me pardonne, au moins pour quelques vers
Et pour ce que j’ai écris dans la fièvre de l’hiver.
Il était La Parole et j’y avais souscrit,
Je n’étais que poussière, un fil d’eau dans la nuit.
Que pouvais-je savoir, moi, nain de paradis
De tous les interdits et des cieux en miroirs
Quand abonde l’averse sur la verte prairie
Et qu’il pleut des herses à nos corps-entonnoirs ?
Tiens, il pleut ma chérie, et sur mon cœur inverse
Ton visage en miroir redessine mes nuits
D’un chagrin alourdi de vapeur d’opium perse
On dit que les déesses meurent aussi de tristesse
Malgré les vins indiens et les fleurs de Turquie
Redonne-moi une caresse à l’horloge de l’ennui
Je me souviens, lysé, des cerfs-volants de Kaboul
Jehol le cheval-fou, lors, courrait librement
Hennissait sans tabou en regardant les poules
Aux plumes diaprées qui allaient piaffant
L’outremer véritable coule dans mon œil d’enfant
Mais j’ai vu tant de diables allumés de l’étoupe
Pour ma terre d’intouchables foulée par mille troupes
Laissant dessus les sables en guise de testament
Un lapis-lazuli, un cerf volant mes larmes
Et Jehol qui s’enfuit, je le couche en mon carme
λ la plume, près d’un pré, j’écris inconsolable
J’ai cassé mon houka, mon opium est mort
On dit qu’à Guernica, Picasso sans remord
Brûla dans la soirée l’outremer véritable…
Totenrunde – Maqabir sama’a- Dodenronde- Farandole for Death
Donnez-moi un vers, vous en tirerais un poème
Donnez moi trois verres que je boive tout mon saoul
Que j’y inscrive sur l’avers ma douleur polyphème
Et sur un parchemin de vair et pour vos amours… dix sous
Donner pour vos grands yeux flous ; à présent y dansent quelques vers
Moi j’avance vers je ne sais où, poussé par un vent de travers,
J’y cueille le blanc chrysanthème sous un houx insensible à l’hiver.
Et de trois clous me faire un totem dont parleront les trouvères !
Mon masque africain est d’Anvers, on y dansent sur la nef des fous
Breughel et Bosch y ont gueules à l’envers, la Joconde y est morte de toux
Et aux dires du duc de Nevers son sourire s’est noyé dans la boue
Toi, ma douleur qui parle beaucoup ; Toi, Polyphème, mon frère convers
Oh ! Tu vois la faux et la houe qui agitent cette farandole sévère
Moi j’ la danse sur un air de Cordoue ; J’ai jamais bien compris l’univers… (x2)
[Chanson à deux voix]
Mon enfant ma tourterelle
Vous dont la vie fut biaisée
À l’océan de mes peines
Votre cœur s’est amarré
À votre cœur chaviré
Vous mon père, mon hirondelle,
En vous j’avais espéré
Non la cendre mais bien le miel
Vous ma fleur, mon âme damnée
Mon enfant, ma mirabelle
Oh le diable à bien joué
Saluez-moi l’Éternel
Vos impairs me sont sacrés
Dans ce décor d’aquarelle
Vous mon père aux yeux cavés
Qu’avez-vous dit à la vieille ?
Votre père s’en est allé
Rejoindre d’autres parallèles
Et au mât de ses pensées
Se pendirent des phocomèles
Mon père, je ne suis point un phoque
Y’avez-vous seulement pensé ?
Lorsque vous parlait le Doc
Qui me disait malformée
À vous redire ma fille
Vous ma joie, ma bien aimée
Dans vot’ sourire alarmé
Se lisait un peu nos vies
À vous relire ma fille
Vous ma joie, ma toute jolie
Dans vot’ sourire a larmé
Une jonquille sous un figuier
Mon amour, ma vie, mon âme
Puisqu’il faut bien nous quitter
À demain vaille que vaille
Ainsi l’aurait dit Orphée…
[couplet final à deux voix]
Oh ! La rose était à tout le monde
Ne m’en appartenait que le sang
Sinon la lie. Oh ! Ma sève délie
Et mon sang qui dévie
Triste et noir
Comme les vins de Mongolie
Triste rose, triste ennui..
Oh ! La rose était à tout le monde
Et de ses pétales phylloromantes
Furent tirés milles oracles
Prédisant mes débâcles
Éclatantes comme le rosier albe.
Une Belle l’a garnie de mon scalp
Et de mes os elle nourrit Ses chiens…
Diseux ou faiseux, je vous aurais tous aimé,
haï, trahi de solitude énamourée.
Diseuses de belles et noires aventures,
Faiseuses d’anges ou de démons obscurs ;
Vous étiez mes poètes, mes amants de Tolède,
de vos maux, sous vos mots, je me faisais un shed
et m’abritais sans haine, à minuit, sous vos chênes.
Diseuses de belles et noires aventures,
Faiseuses d’anges ou d’immortelles et blanches Dioscures
à vos pieds, sous vos pieds, tendrement enchaînés
Diseux ou …faiseux, je vous aurais tant aimé
haï, trahi de solitude énamourée.
À vos mots, sous vos maux, bien à l’ombre d’un chêne,
sous vos pieds, à vos pieds, je dépose mes peines.
Ah ! J’ai raclé ma main
Sur une vieille armoire
Pleine de vers latins
Qui parlent de mes déboires
D’un faune et d’un satyre
Perdus dans les brouillards
De mon âme oiseau-lyre
Qui vague les corbillards
Et puis près la Tamise
À l’ombre d’un figuier
Sous son ombre indivise
Sur moi tu t’es couché
Mais il me faut partir…
Redonne-moi un baisé…
(Sonnet pour Philippe Leuckx)
Quand sur la ville il pleut quelques gouttes de silence,
Quelques gouttes sanglantes, sur la bruyère et la lande,
Emportent -dites-moi, vous, ce qu’aurait dit Huysmans-
Mon cœur de mousse et de pierre à la lagune flamande.
Là, à trois mille marins roulant au large d’Ostende
Je dessine ton visage avec du sel noir de Guérande
Recueillit le matin dans mes larmes bleuies d’héliotropes
Comme l’on cueille d’une main la rose et un épis d’hysope.
Tu m’aimais tant jadis que je n’ai pu m’en remettre.
Je ne compte plus les lunes qui passent insouciantes,
Ni les filles innocentes auxquelles je m’enchevêtre.
Mais où fuir pour échapper à la nuit encombrante,
Quand sur la ville il pleut quelques gouttes de silence,
Quelques gouttes à rebours comme le disait Huysmans ?
Et vous m’avez écrit, Valéria, mon amie
Et ce que vous m’avez dit de votre plume moldave
Plût tant à mon âme noire et suave.
Vous cherchiez Lysztéria et vous trouviez Valner
Le poète assassin, autre double de Lacenaire
M’éditerez-vous, vous, ma gitane Ophélie ?
Oh… Méditez donc sur le sang des poètes !
Je le verse à vos pieds, ma douce princesse slave.
Serez-vous cueillir le narcisse, la violette
et le lys… au désert des Mohaves?
Oh….Méditerez-vous sur le sang des poètes ?
Quand au dessus d’Ulysse repassera la comète,
méditez le gibet des Villon, le cadavre des Corbière
Et ce qu’il me faut écrire, Valéria, pour vous plaire !
(Sonnet au Poète Inconnu)
Oui, Vulcain et la forge nous appellent
ou le feu de vos tourments.
Et moi, braise nue sur la grève, je me rappel,
étoi-le sanguine en vos marais salants,
que nous serons nu en nos gisants,
qu’il ne restera que vos mots passants.
Et bien sûr et le souffre et le vol de l’abeille
éteindrons mon vin et consolerons ta treille.
Poète sort ton glaive et fait perler mon sang
et que tes maux m’achèvent d’un cruel déchirement.
Ami, n’ai crainte, c’est moi qui demeure sous ta paupière blême !
Poète prend ton luth pour me dire le néant.
Ami, enfin, en clefs de Ut, dis-moi ton poème
pour me faire ton éternel amant !
Douce amie, vous aussi, avez-vous su tiré
du Pausilipe et de la fleur d’Italie
et du soleil noir de tant de mélancolie
l’aube au doigt de rose et le luth constellé ?
Dites à Virgile mon baiser ténébreux.
À la mer d’Italie j’ai rendu mon chagrin,
à la Mélanippe tendu la rose bleu
et j’ai donné deux tours à un prince aquitain !
Redites à Orphée d’embrasser Eurydice
et que Circée… charme à nouveau Ulysse.
Aux Enfers j’ai aimé Chiron et Tirésias
Et j’ai planté pour vous sur les bords du Parnasse,
la rose et l’olivier qui au laurier s’allie
Vainqueur de l’Achéron, la mort est abolie
Vainqueur de l’Achéron, combien je vous envie
Je chantais matin et dansait avec les papillons de nuit,
dans le haut-pays d’Écosse où jadis j’avais vécu mille ans,
au son d’une vièle trempée dans le sang d’un vieux Mohican
qui avait fui les Arabies comme mon cœur fuyait Lydie
Vous redirais-je ma mie le tendre de vos pieds dans la lande
et les baisers que vous donniez sous les chênes bleus de Brocéliande ?
Depuis, je mêle au miel un peu de cendre pour mieux… vous oublier…
Vous souvient-il, lorsque nous courions nus sur la sente enneigée
trop heureux de nos jours, insouciants au passé ; lors, vous disiez :
Arlequin au cœur tendre, au miel va la cendre… pour mieux m’oublier…
Mais, j’ai perdu ma vièle et les pays d’Écosse s’en sont allés,
pourtant du Piémont aux Islandes on voit les papillons danser
sur des perles de Lydie où suinte mon coeur aux parfums d’oléandre,
alors pour mieux vous oublier je mêle au miel un goût de cendre.
(Sonnet pour Sophie C.)
Douce hirondelle porte à mon amie ce poème
glisse à son oreille ma mélodie bohémienne,
rappelle-lui le pas lent de nos danses anciennes
lorsque nous étions enfant et courions sans haine.
T’en souvient-il à présent ma douce Sophie,
des temps heureux de ta sagesse, de ma folie,
de la poussière d’étoiles que nous avions aux yeux ?
Tu me dis aujourd’hui que mes tempes ont blanchies,
qu’il y a comme de l’Himalaya dans mes cheveux,
et de la poudre de bleu afghan dans mes yeux.
Alors? Douce hirondelle porte donc ce poème
redis-lui les jours doux de nos amours anciennes ;
Que je garde au cœur cette mélodie bohémienne
et le goût des pas lents de nos valses en tandem.
(Sonnet à Aliya A.)
J’ai aimé, Mademoiselle, de vous avoir connue.
Des plaines de Gaugamèle d’où j’écris aujourd’hui,
de la plaine cannelle où mon âme s’est fondue,
je vous écris ce jeudi d’une plume engourdie.
Oh ! Ici, tout est calme et calme mon ennui.
Et si -peu- je m’ennuie, c’est bien de vous ma fille.
Pour tromper cet ennui j’ai fait graver ton nom
dans la blonde poussière qui me sert d’édredon.
On m’a dit que tes enfants sont grands à présent,
qu’il y a dans tes cheveux des pousses de lichen blanc
et qu’on voit dans tes yeux des jacinthes d’Arménie.
Ici, à Gaugamèle, vous me retrouverez ;
N’ayez crainte tout est calme et plus calme que l’ennui,
J’ai aimé, Mademoiselle, de vous avoir aimée.
Je vais compter mes pieds ; vous dire un poème.
Alexandre me pris au détour de moi-même,
au détour du harem, en pleine Alexandrie,
git un poète fou dont les yeux sont tout gris.
Je vais compter six pieds pour que tout soit bien dit.
Malherbes vous l’a écrit, quelque soit ton envie,
césure ton texte pour sa respiration,
pondère ton ardeur pour la déclamation.
Alexandre s’enhardit… d’un alexandrin
Malherbes s’en dédie et, en bon médecin,
d’un vers m’assassine… pour indiscipline.
Disciple des vers ne te ronge pas les os
Poète aux yeux gris ne dit plus un mot
Les os sont certains et les vers crient famine !
Et il y eut cette fleur que vous m’avez jetée.
Narcisse des poètes ou narcisse douteux ?
Et ma main ganté de noir pour cet or odieux
Ô Dieu des aèdes venez m’en délivrer.
Eurydice et mon lys iront à Orphée
et ma lyre à ton corps sauras s’accorder
quoique vous dites, étant à la fenêtre,
Maitresse : seul le Diable habille vos lettres
Vous brûlez, mon Amour, et c’est tendre fièvre
dont vous me consumez, ma belle orfèvre.
Venez à mon lit et nous nous ferons amant.
Venez belle amie, ne craignez pas le tourment.
À Narcisse, sans doute, j’aurais succombé,
n’eût été cette fleur que vous m’avez jetée.
Elle croit… qu’elle était déjà
là,
quand l’Autre pour passer le temps
dévorait ses enfants.
Qu’elle était la lyre qui regardait Eurydice
Elle croit qu’elle était les mains de Médée caressant ses enfants
….et ainsi passe le temps !
Qu’elle est la fille d’Ulysse,
qu’elle était les yeux de l’Aveugle qui chantait devant Troie.
Elle a dit: « Tu vois? »
Elle croit qu’elle est née du narcisse
quelque part sur les bords de la Lys
où on la croise de temps en temps.
Elle croit qu’autrefois, en un autre temps,
elle était suspendue à la Kabba,
qu’elle était une canaille dans le ventre d’Al Madina,
qui a pour nom Omar Khayyâm… ou Adonis,
et qu’elle était, déjà, les yeux d’Anubis.
Que c’est elle qui a donné l’alerte quand elle vit Apophis
couché sur le ventre d’Eden
Que c’était le son de ses pas que l’on y entendait
quand l’Autre y marchait
avec les pieds d’Adam !
Elle croit que le sang n’a pas d’odeur
ou alors celui d’une clameur
qui ne dure qu’un instant.
Elle a dit qu’elle est née de l’Harmattan,
que c’est elle qui renversa les Cités ;
Qu’elle souffla sur Jéricho l’effrontée,
qu’elle repeint des pigments de Damas
et des bleus d’eau d’Antonin Artaud.
Elle dit: « c’est moi qui ait aveuglé Tirésias et rendu muet la parole d’Esdras.
Je suis l’hostie noire et le chemin de vie….
…mais ils ont pris
pour idole un veau! »
Elle croit qu’elle est une fleur de sang éclose sur la prairie des nuits inverses,
qui bouillonne à gros sang par les vertes journées d’averses.
Elle croit qu’elle est un chancre qui pousse sur les parchemins d’un retour au pays natal
….qu’on l’y croise souvent…
…qu’on l’y croisa de tout temps,
en compagnie des soeurs Nardal
et de Tristan Corbières.
Elle croit que son triste coeur en bière
oh,oh,oh, méritera bien Les Halles.
Elle croit qu’elle a vu la Lune bien avant 69,
souviens toi qu’elle était, déjà, Lave en 79.
Elle dit: » Je suis le Omar de Nerval qui s’est perdu sur la lune
et la dormeuse du val qui hulule sous les dunes! »
…………………….Alors ?
toujours le petit mort…pourrire ?
[Fredonner « Au clair de la lune » jusqu’à « prête moi ta plume pour écrire un mot », puis commencer la lecture]
Sorti de mes songes levantins
de mes océans perchés et incertains
elle m’accueillit
aux rives desséchées
d’une page abimée
et me dit:
J’ai toujours voulu être ribaude,
amie des chairs ennuyées en maraude.
De Monsieur, l’on me dit,
qu’il est un poète maudit
fils d’une putain
couchée aux creux des parchemins.
Et pourtant voyez-vous,
il vous faudra bien, vous aussi,
allez pisser un coup
aux jolis culs des filles.
Je répondis:
c’est un mal dit;
une vraie male édiction,
savez-vous, que de porter l’érection?
Je vais vous en contez
les glorieuses imperfections
à mots cavez,
débués et lavés
sous un soleil desséché et noirci
comme vous le dirait Villon.
Mais elle m’interrompit
d’un mot arraché à sa barbe et ses sourcils
Pourquoi à ce corps
ne point donner ce qui lui revient,
ce qui le dévore?
Puisqu’il vous faudra bien,
à mots bâtards et païens
Vous aussi
allez pisser un coup aux filles?
Je l’entendis en corps
vous avez dit encore?
Mais c’est moi,
qui cette fois,
l’interrompit d’un trait salin
couché en lettre d’or dessous le parchemin.
Vous n’avez donc toujours pas compris?
dis-je
qu’il est tout entier là le prodige
qui veut
ce que veut … …
et aussi, ce que Dieu veut.
Et,
Que la distance la plus grande?
C’est quand les corps sont les plus rapprochés!
Elle reprit,
à mots de cendre,
je vous suis,
mais me laisserez-vous descendre
comme une soie plissée
sur votre corps endoloris,
votre âme infortunée
et votre coeur en maraude?
Vous savez, j’ai toujours rêvé d’être ribaude.
Je la suivis
alors à l’orée du lire
puisqu’il me faudrait bien
en culbuter la cire
jouer au fou
et pisser un coup
sur mes parchemins
stupides et blêmes
comme cette vie putride et bête
que tu m’as faite
où toute Hélène est un noème.
J’étendis donc la main
dessus la poitrine nue et lointaine
chaude et tout aussi vaine
que ne l’est l’encre sans parchemin.
Et d’un coup de plume
d’un trait de reins
au tracé nocturne
perçant le parchemin
elle saisit enfin
ce qu’a de vain la lune
et la lueur de ses seins
au clair du parchemin.
[reprendre « Au clair de la lune » jusqu’à « mon ami pierrot »]
Avec de l’encre bleu et puis un peu de sang
Aussi un peu de pu dont le blanc charogneux
De nos noires vertus ou les verts ouragans
De nos passions cyans dont les liquides visqueux
S’échappent en grimaçant de la plaie indivise
Mais néanmoins charmante de la plante gélive
Qui au soleil riant parmi l’or des métives
Et des vendanges issantes sur le lin des banquises
Iront en s’enivrant dans l’ocre des moussons
Où nous irons dansant sous l’écru des comètes
Avec du feu en tête à l’affût des saisons
Résonnant du bourdon et du cri de la bête
À l’ombre imparfaite brillant dessus Tolède
Comme le gentil dragon y succombe puis y cède.
Et Babylone appelle ! Au jardin des délices
Pousse l’obscur mancinelle. Une nuit de Walpurgis
Où voltait les lucioles au souvenir de Sodome
Parcourue par les trolls – « Dominus Vobiscum »
Criait l’auteur du crime, « Évohé, Évohé »,
Lui répondait Éris et tous les élohims
Sur leurs catoblépas piétinant La Médée.
Au loin quelques cobras et une vierge folle
Discutaient de l’automne et d’un conte des frères Grimm
Où la Môme Cracra en son par lé créole
Devisait des abeilles et puis du Rwanda
Du destin des soleils d’Auschwitz à Muhanga
Quand volait les lucioles au souvenir de Sodome
Parcourue par les trolls – Dominus Vobiscum !
Une ballade pour Walt Whitman par sente et sentier
Et des bottes crottées sur la mer d’une vie tzigane
À courir la Louisiane l’automne en ses ruisseaux
Sous une pluie d’été parmi ronces et roseaux.
Une ballade déformée – Au loin m’attend une femme-
Dont les mains sont usées et les larmes animales
Et qui geint dans la nuit parmi les herbes folles
Jusqu’au petit matin dans des vapeurs d’alcool.
J’en ai vu des indiens, des nègres évanouis,
Et puis des ventres creux et des nuques affranchies
Qui priaient tous les saints, surtout les plus hideux !
Une heure pour la folie et une autre pour ma joie
Puis j’y foutrais le feu comme le comte d’Artois
Pissa sur son pays par un jeudi venteux
(Sonnet inverse pour George Floyd]
Oui ! Reprenez mon âme, jetez-la au vautour
Vous qui jetiez au four nos noirceurs lacrymales
Qui n’aviez pas une larme quand nous dansions nos drames
Ni blancs, ni pur regards, lorsque l’Homme à toute force,
-Et comme femme que j’ouïe et vous crie toute sa peine-
Vous disait, mon ami, vois, comme sont noirs nos jours
Reprenez mon âme et jetez-la aux vautours
Nous irons tous au four sans trop en faire un drame
Oh! Georges c’était ton tour et tous les temps se vannent
Dans la meule des Mânes ou sous le genou des jours.
Et c’était ton destin, j’ignore encore le mien…
Nous avions fait un rêve -pourtant encore j’y tiens-
Et le cauchemar soudain à ton cou qui s’achève
Comme mon âme demain portera d’autres glaives..
(Sonnet à Sonja)
C’est pour fuir les larmes que je fais des poèmes
Aussi parce que le ciel et mon cœur en coton
Posées dessous mon âme le corps de vos déveines
-Vous en faisiez ombelle ; la nuit, des papillons-
Qui voltaient dans le temps comme ces piqures d’abeilles,
Le son jeté à l’œil, vos amants qui tressaillent
-Ça ne tournait pas rond- Vos cent milles batailles,
Et puis leur paillasson, leurs semailles vermeilles,
Vous étiez la mousson ; Je me demande ma belle,
À écouter le vent et la fée clochette qui…
Me dit en riant : – Il reste dans ma poubelle,
Je crois, de l’origan, quelques bouts de ficelle,
Un peu de rêve d’enfants, et puis un bistouri
À me planter au cœur avec du pissenlit….
Les amants de Florence se disputaient son lit,
la fleurissaient de baisers tendres et sibyllins
et, moi, j’écrivais un sonnet pour Cosme l’ancien,
un poème désuet où je chantais Aurélie.
Me prenant par la main Brunelleschi me dit:
– Moi aussi j’ai aimé une fille De Medici,
là, sous le dôme ; de Florence vois-tu les fantômes,
les amants de Vérone gisent-ils au Lac de Côme ?
Sous les ponts de Florence s’avance le spectre ancien
du maître des silences qui me tend un vélin;
Aurélie y soupire au jardin Boboli.
Que reste-t-il des murmures, de l’allée des cyprès ?
De nos amours froissés dans la meule des prés ?
Ce sonnet florentin pour passer l’autre nuit…
Il m’arrive bien souvent, Toi qui parcoure mes pages,
de fronder mes aurores d’une pluie de baisers tristes,
de caresses incolores perdues dans les branchages
de quelques amours maussades et arrachés aux schistes.
Pourtant, au loin, une ville m’appelle, qui me susurre,
qui m’enlace et me poursuit de ses bleus obscurs.
Dans la nuit, Bruxelles murmure: – Ne soit point triste ;
Je connais les absinthes qui dissipent les absentes
les alcools doux et jaunes -passion des Alchimistes-
qui mènent aux Amazones dans des jardins d’acanthes.
Dans la nuit, Bruxelles murmure, ne soit point triste !
J’ai des nuits d’Idumée à offrir en partage,
et des huiles de mai pour peindre les nuages,
et le vent de décembre que cherche les artistes.
Sur une lune morte où résidait Falstaff
Brunehilde et les sept nains près la mer des soupirs
au loin le halo blanc m’en garde le souvenir
et puis mes rêves perdus au cou d’une girafe
Un papillon s’envole avec une cigogne.
Pour une poire-williams, Shakespeare vend ses chaussures.
Poésie n’est-elle pas le doux vin des ivrognes
qui poussent leurs chansons tout le long des azurs ?
Je reviens de Mercure où les elfes m’attendaient.
Le Marchand de Venise avait pris ses effets
et quelques farfadets en voulaient aux mésanges.
Une histoire d’enfants morts, je crois, c’était la guerre,
ou bien d’enfants battus…je ne m’en souviens guère.
Je me rappelle seulement, vos yeux, votre fontange…
S’il y a un paradis, j’y voudrais de la pluie
pour cultiver sans fin toute ma mélancolie,
un rayon de soleil pour faire un arc-en-ciel,
de la brume de mai et puis un peu de gel.
J’y voudrais de la mort pour la joie d’être triste,
pour une danse macabre -pierrot jouant au sistre.
Et je me souviendrais -vous étiez mon désastre-
c’était une nuit de mai, vous dansiez sous les astres.
De cette pluie d’étoiles qu’on voyait en vos yeux
je m’étais fait pansement dessous la voie lactée
où votre doux visage rayonnait si précieux
Vous m’avez dit alors ma sorcière bien-aimée
-Je n’aie ami sur terre et pas plus dans les cieux,
passez votre chemin, vous serez plus heureux !
( Sonnet pour quelques poètes belges :
Liliane Wouters – Yves Namur – Florence Noël)
Hugo bretteur, menteur,
Tu prétends désossé ;
Tu ne fais qu’assembler
et vers et rimes sœurs !
ô Priez Madame Germaine,
je ne suis pas Renan mais me vient une idée,
comme une idée rhénane jetées aux mornes plaines.
On a touché au Vers, en voilà une nouvelle !
Une idée qui est belle et me laisse mal armé ;
Sur la plaine germaine court mon vers criminel.
Car notre dame est morte et moi me suis damnée
pour les charmes d’un mot ou bien d’une clameur.
Je tuerais à Namur, Florence m’ira voleur,
à l’ombre de Wouters mon soleil s’est couché.
(Sonnet à une amie cambriolée)
Aleks croyait, ainsi, qu’il lui manquait une perle ;
Elle l’écrit sur un pairle qu’elle confia au Zéphyr,
Je pris ce doux saphir que me portait le merle
Pour en sécher les larmes dans le Guadalquivir.
Je la pris par la main pour l’emmener à Séville,
Penche-toi sur la fontaine, qu’y vois-tu mon amie ?
Entends-tu le soleil qui se mêle à la pluie,
Qui chantent: ô ma perle, ma créole des Antilles,
On n’peut voler les perles qui se portent au cœur !
Nous ref’rons des colliers avec des rires d’enfants,
Et aussi l’Albanie !… Promis, quand on s’ra grand !
Les sorcières ne pleurent pas, je l’ai dit à mes filles,
On n’peut voler les perles qui se portent au cœur,
Et si t’es encore triste, nous restera la Castille !
Des pluies de cendres déposées sur son berceau
et le bleu des étoiles en étaient insouciants.
Pour une poignée de sel il leur acheta des yeux,
demeurant suspendu à ce ciel soupçonneux
qui poussait son landau vers le buisson ardent,
où grondait les crachins de mes chants hivernaux.
Pour trois pierres d’alun, de la poudre de lune,
il coucha au tombeau des vers écrits en runes,
sur mes amours défunts le long des golfs clairs,
quand je croisais Villon et la Belle Heaulmière.
Pluie de cendre ?… autant en emporte le vent ;
Perséphone aux joues claires, redis-moi ta moisson
Mais à tout prendre, qu’il me reste cette chanson :
Pour mes cendres… autant en emporte le vent !
Sous la lune de mai effeuillant les étoiles
avec une plume d’oie et des grains de pavot,
j’avais pour tout équipage un feu de Bengale
et un cormoran en cale pour tout matelot.
Flibustier au cœur blanc sur la mer des soupirs,
je m’exilai vingt ans dans l’entre d’un tapir
qui au feu de Bengale fit frire le cormoran,
quelques grains de pavots et mes amours d’antan.
La fumée s’élevait comme une cathédrale
où se trouvait Lesbie et le doux passereau,
les dames du temps jadis, du temps où j’étais beau…
Mais les neiges d’antan, comme mon chant vespéral
meurent mieux à l’automne que dans le doux printemps
ce n’est point votre faute mais bien celle du vent…
Oh! vous l’avez chanté, ma gitane au long cil
mon cœur semi-froissé, ma belle au bois qui dort
Retour vers les ténèbres ; ô douloureux exil,
sous le voile diaphane, voyez-vous les centaures ?
J’ai aux yeux de l’écume et des perles de mille ans,
sous ce ciel maudit aux milles étoiles de jade
je retourne aux ténèbres ; vous rejoint aux pléiades
grillés quelques cigales aux amours imprudents.
Je l’ai repris noir au chœur ce maudit refrain :
Retournons aux ténèbres, me chanta une amie,
alors au clair de lune nous rejoindrons Amy.
Et les anges aux cœurs noirs, rediront à Caïn
Retour vers les ténèbres; ô douloureux exil,
sous ce voile diaphane, me prendrez-vous la main ?
On me dit que je suis hérétique
Qu’il est interdit de soutenir que le Coran fut créé
J’ai dit, soit !
Mais avouons, tout de même, que cette hypothèse d’un Coran incréé
se comprend bien moins que la première citée!
Force est de constater :
Votre orthodoxe a tout d’un cul jatte,
d’un cul jatte qui boite,
tandis que mon hérésie semble plus adroite
et pour l’esprit beaucoup plus chic !
Tu l’as dit satanique
Je te dis: c’est alors que Satan écrit en lettre coufique !
Or comme tu le sais de Kou-fa
à la Ka-bba
il n’y a qu’un pas !
Alors tremble orthodoxe au souvenir du Qarmate
de peur, qu’un jour, chez toi, son campement ne refisse sa halte.
On me dit, encore hérétique,
pour avoir pensé, pour avoir dit :
il n’y a pas de pieux anciens,
car en ces temps anciens
en ces temps antiques
lesdits pieux,
se sont tous traités d’hérétiques,
d’imposteurs, d’odieux !
On me dit que je suis impie
pour avoir dit
que la polygamie n’est pas un droit
qu’elle est bizarre leur lois
qui dit
que coucher avec une enfant
est permis
alors que je crois juste qu’un prophète
ne saurait être
ni ignoble, ni indécent.
On me dit que j’ai blasphémé
parce que j’ai dit aimer les filles
et trouver leur cul joli,
alors que l’orthodoxe dit
que Muhammad aussi
a interdit d’aimer,
mais d’après lui,
pas de violer !
Et il me promet tout un enfer
parce que j’ai dit,
dans le Coran ?
au vin j’ai lu la question,
pas l’interdit et, que je mis
son inter-dit,
entre-nous, en question !
Voyez mon orthodoxe, il en tremble,
s’en étrangle
maudit tous mes sangs,
tous ensemble mes ancêtres et mes enfants !
Il fulmine, se renfrogne, en est tout vert.
Mais regarde voici qu’il se rengorge
et nous promet que ni toi
ni moi,
n’entrerons au paradis
alors que lui ???
Il est vrai, qu’à Dieu, volontiers il se subroge
et se prend pour Lui,
lui
qui croit que Dieu à sa tête
qui veut qu’on m’égorge
Il est vrai que je fume aussi la cigarette
alors,
j’avoue,
j’avoue,
Il est vrai que je mérite la mort !
J’avoue,
oui, j’avoue, encore
je sais rire et chanter
donc je mérite la mort.
j’avoue
oui, j’avoue, enfin
Abdeelwahhab n’est pas des miens
pour moi c’est un crétin
Je mérite donc la mort!
Un nez ?
Vous voulez dire comme le mien,
Ou comme celui de Monsieur Guerlain ?
En voilà un
Qui de son nez
Ne pouvait pas sentir les nègres
Nègres,
Dont il trouvait le nez…
…Vilain !
Il faut dire qu’il ne les aimait qu’aquilins…
…Les nez !
Et n’aurait sans doute pas apprécier le mien
Qui, en retour, lui ferait un joli pied de nez,
Car quoique nègre,
J’ai le nez fin
Et non camus
Comme vous le dirait Monsieur Guerlain
Dont le propos aigres,
Peut-être taquin,
Cache mal l’esprit confus
Autant qu’incertain.
L’homme pourtant est réputé pour son flaire,
Or, ma mère,
Porte Shalimar de Guerlain
Tout en s’étant marié à un nègre
Qui ne parlait pas petit nègre
Mais connaissait son latin !
C’est ainsi que j’ai grandi
Entre un pè-re
Qui travaillait comme un nèg-re
Et Monsieur Guerlain
Qui en doutait bien !
C’est ainsi que j’ai grandi
Entre mon père
Et Monsieur Guerlain, qui,
Amant de ma mère,
Autant que son faux-nez
Mettait ainsi le nez
Dans nos affaires de famille
Si vous permettez,
Je vous mets au parfum
Car vous comprendrez
Que ladite affaire sentait le poisson
Quoique mon père eût lui aussi trouver de bon ton
De choisir Vétiver de Guerlain
Pour parfum !
Mais, enfin,
Passons…
Monsieur Guerlain
Qui, donc, ne pouvait pas sentir mon père
Se retrouvait ainsi régulièrement offert à ma mère
Par un homme qui, l’ayant lui-même dans le nez, s’aspergeait d’eau de Guerlain.
Allez comprendre, vous,
Ce qui peut se passer dans la tête d’une enfant
Au demeurant,
Fille de Marabout ?
Quoiqu’il en soit depuis,
Je rêve chaque nuit
Que je tombe nez
À nez
Avec un certain…
…Monsieur Guerlain !