Jacques Goyens
Biographie
Jacques Goyens est né en 1939. Après ses Humanités gréco-latines, il effectua une licence en Philosophie et Lettres à l’Université Catholique de Louvain. Ensuite il entama une carrière d’enseignant de français et d’histoire dans une école secondaire bruxelloise. A quarante ans, il obtint le Certificat d’italien à l’Université Libre de Bruxelles.
Il fut toujours tenté par le démon de l’écriture, mais ce n’est qu’à l’aube de la retraite qu’il se décida à mettre au net les brouillons qui s’entassaient dans ses tiroirs (poèmes, nouvelles, ébauches de romans). En 1999, il publia son premier roman « Les enfants de Munich ». Ce récit est à la fois un roman d’apprentissage et le reflet de toute une génération qui a grandi dans le contexte particulier de l’après-guerre.
En décembre 2000, comme pour fêter la fin du millénaire, il publie « Harmoniques », recueil de quarante-quatre poèmes d’inspiration diverse. Les thèmes sont : l’amour (toujours), la mort (fatalement), les petits faits de la vie quotidienne, l’usure du temps, mais aussi l’infini du temps et de l’espace. Les formes aussi sont multiples : cela va du haïku au poème de cinquante vers, porté par un souffle épique ou lyrique ; tantôt petits textes rabotés, ciselés, tantôt poèmes en prose où l’auteur laisse libre cours à sa fantaisie.
En 2003 parut « La Vie, là-bas ». Ce livre trouve son point de départ dans une pénible expérience d’accompagnement d’une personne en fin de vie. Dans la première partie, l’auteur raconte le séjour de Myriam à l’hôpital pendant les quatre semaines qui ont précédé sa mort, et cela de la manière la plus objective possible, ce qui fait ressortir davantage la tragique réalité. La seconde partie, intitulée Métastases, constitue un essai sur les grands thèmes de la vie, de l’amour à la mort. Enfin, pour clore ce triptyque, un ensemble de textes à caractère poétique, suggèrent le passage vers un autre monde, plus harmonieux, qui serait l’accomplissement de toutes nos ébauches terrestres.
En 2004 Jacques Goyens publia « Le partage des eaux », fiction où l’analyse du sentiment amoureux occupe une place prépondérante. Cinq héros, Danielle, Marcel, Sophie, Julien et Delphine sont livrés aux fantaisies du destin. Les relations se resserrent ou se distendent jusqu’au dénouement final, inattendu, imprévisible. Ce roman est construit selon un schéma de tragédie antique : une succession d’amours à sens unique qui ne peut trouver de solution que dans un événement tragique
En 2006, un second recueil de poèmes vit le jour : « Chants à deux voix », préfacé par Michel Ducobu. Le recueil est divisé en cinq mouvements, à la manière d’une sonate ou d’une symphonie. Les deux voix sont les deux pôles qui constituent la trame de l’être humain : l’ici et l’ailleurs, le fini et l’infini, l’innocence et l’expérience ou encore le féminin et le masculin.
En 2008 parut « Mon père, cet inconnu », récit de vie d’un père trop tôt disparu. Le texte trouve son origine dans une liasse de documents providentiellement retrouvés dans une cave : lettres manuscrites, photographies et autres documents historiques qui permirent de redonner vie à un personnage peu connu et à son époque.
En 2010 parut « L’insondable énigme », recueil de nouvelles et de portraits sur le thème de la femme, ses subtilités, ses roueries, sa générosité aussi dans sa relation de couple.
En 2010 également, Jacques Goyens collabora à un recueil collectif de nouvelles érotiques, « Fragments d’Eros », avec entre autres Yves Caldor et Jacqueline Dumas.
En 2014 l’auteur rassembla les innombrables notes rédigées au cours de trente années de voyage à travers la France. Ce fut « La France en dix leçons », fruit d’une minutieuse observation doublée de patientes recherches. Un second essai doit bientôt sortir de presse sur six « Villes-carrefours de civilisation ». L’intérêt de Jacques Goyens pour la sociologie est une autre facette de sa personnalité.
— Bibliographie
• Les enfants de Munich, roman, Lux, Avin, 1999.
• Harmoniques, poèmes, Lux, Avin, 2000.
• La vie, là-bas, essai, Editions Associatives Clapàs, Millau, 2003.
• Le partage des eaux, Editions Comédia, 2004
• Chants à deux voix, 2006
• Mon père, cet inconnu, Editions Memory Press, 2008
• Singulier pluriel, Editions Edilivre, 2011
– Collaboration régulière aux revues littéraires: Le Reflet de chez nous, Les Elytres du hanneton.
— Prix obtenus :
• Prix de La journée du livre de Sablet 2013 pour la nouvelle « L’éveil du printemps »
• Prix littéraire des Baronnies :
• 2003 pour « Le Château enchanté » (nouvelle),
• 2004 pour « Ganako-sur-Ouvèze » (nouvelle),
• 2005 pour « Le sanglier et l’abricot » (nouvelle),
• 2006 pour « La conférence des animaux »
Poésies
Souviens-toi, c’était au mois de novembre, un jeudi.
Aux environs de dix-sept heures.
Mais qu’importe une heure de plus ou de moins dans une vie !
Nous étions côte à côte et nous nous tenions la main.
La pluie traçait sur nos visages de minuscules ruisseaux
qui s’en allaient mourir dans le flot duveteux de nos écharpes.
La lumière des réverbères
tentait vainement d’égayer ce bout de rue
aux façades austères, témoins d’une bourgeoisie triomphante.
Nous étions jeunes et nous pensions
que se tenir la main au bord d’un trottoir
suffit à assurer le bonheur.
Mais nous ne connaissions rien de la vie.
Ivres d’amour sans savoir ce qu’est l’amour,
nous étions serrés l’un contre l’autre
à attendre que la rumeur de la ville s’apaise
et nous permette enfin d’être l’un à l’autre pour la vie,
dans une plénitude qu’aucune force ne pourrait abolir.
La pluie redoubla, nous obligeant à nous abriter.
Les voitures projetaient des gerbes d’eau sur le trottoir.
Nous étions immobiles, dans l’illusion
qu’il est possible de se protéger de la pluie, du vent
et de tout en se serrant l’un contre l’autre.
Mais nous ne savions rien de l’hostilité du monde.
Nous ne savions rien de ces petites gouttes d’hypocrisie
qui s’insinuent lentement en nous
ni de la lueur blafarde de l’ennui
ni de l’usure des jours les uns après les autres,
guettant la moindre de nos faiblesses.
Vingt ans ont passé. Les réverbères ont été remplacés
par d’autres luminaires en forme de lunes.
Les trams et les voitures emmènent toujours leurs passagers
vers Dieu sait quelle destinée.
Nous ne sommes plus là à attendre sous la pluie
que le bruit cesse et que l’on puisse enfin s’aimer.
Le vent a emporté nos illusions
et nous a laissé le poids de nos erreurs.
Nos chemins ont divergé.
D’autres amours, d’autres espoirs, d’autres pans de vie
ont mobilisé nos énergies.
Et pourtant rien ne pourra jamais effacer ce souvenir,
ce court moment de bonheur.
Peut-être est-ce lui qui nous a permis de traverser
tant d’années et d’affronter ses tempêtes.
Il était une fois
un homme, une voix.
Cette voix avait des accents sonores
dont je me souviens encore.
Elle disait un texte avec une force
qui vous traversait l’écorce.
Cette voix s’en est allée
et avec elle son humanité.
Adieu Pierre !
Merci pour ces étincelles de vie
qui peuplent nos mémoires.
J’ai revu le chirurgien :
« Tout va très bien. »
Dans tout ce qu’il a découpé,
Rien de suspect n’a été trouvé.
L’opération n’était donc pas nécessaire,
Il faut s’y faire.
Adieu, l’ami Jean !
On ne devrait pas perdre son ami d’enfance
ou alors partir avec lui.
Acte I. Sous les marronniers de la cour d’école :
« Comment t’appelles-tu ? »
Tu écrivis ton nom sur un tube d’aspirine.
Début de notre histoire, une camaraderie
qui se mua peu à peu en amitié.
Acte II. Fin de nos études, identiques.
Nous partîmes chacun dans notre ville,
happés par la vie, la profession, la famille.
Absence de plusieurs décennies.
Acte III. Il était écrit que nous nous reverrions.
Tu écrivais, moi de même.
Un salon du livre nous réunit à nouveau.
Joie des retrouvailles, nouvelle source de partage.
Ton roman, Les Moineaux d’Argelès,
habita ma mémoire
comme jadis les petits événements
qui forgèrent notre amitié.
Soudain, clap de fin !
Une lettre de ton épouse :
« Son cœur s’est arrêté de battre.
Je suis désolée. »
Fallait-il que je te revoie
pour souffrir davantage ?
On ne devrait pas perdre son ami d’enfance.