Pierre Guérande

Biographie

Pierre Guérande (au civil Francis Van Dam) est psychologue du travail et des organisations.
Retraité, il consacre ses loisirs à la poésie et aux critiques d’auteurs, notamment bretons et belges, dont il a le culte, et voue à cette tâche le même enthousiasme qu’à défendre, précédemment, sa fédération professionnelle dont il fut président.
C’est aussi dans cet esprit qu’Il a rejoint récemment le C.A. d’Assucopie.
Il vient De recevoir le Prix Francophonie de l’Ecole de la Loire pour son roman « Je ne me reconnais plus ».

Du même auteur

Trans Humances, Ed. Dieu-Brichart, 1990, Louvain-la-Neuve (B).
Haute Levée, Ed. Samarcande, 1995, Bruxelles.
Aux lèvres minces de l’escale, Ed. Le Geai bleu, 2000, Bruxelles – Vaison.
Au nom d’errances passagères, Ed. La Nouvelle Pléiade, 2004, Paris.
Le Soir des choses, Ed. ATM, 2006, Braine-le-château (B).
Endoréisme suivi de L’Embellie sur la plaine, Ed. Vert Galant, 2008, Paris.
Vigies pour jardins secrets, Ed. La Nouvelle Pléiade, 2012, Paris.
Par chemins oubliés, Récits vécus ou fantasmés, Ed. Muse, 2014, Saarbrucken.
Educations européennes, Ed. Pas d’histoire, 2018, Braine-le-château (B).
Baronnies de l’Imaginaire, poèmes, Ed. St Honoré, Paris, 2020
Je ne me reconnais plus, Ed. Baudelaire, Lyon, 2020.

Poésies

Nous naissons et mourons
en un même naufrage
Qui parle de terre ferme ?
 
Nos répulsions et nos délices
croisent la même mise à feu
dans les jardins du paroxysme
Nos errements nos certitudes
ont cette morsure identique
au talon de leurs équipées
 
Les victoires et les défaites
se disputent les mêmes jeux
les mêmes torrents galvaniques
leurs cris de foule et leurs outrances
leur même tanière abyssale
 
Fourches caudines
Sous le joug de votre impériale jactance
nous vivons à jamais l’hiver
les sombres promesses du soir
et l’été de nos résiliences
matutinales
 
Qui parle de ligne claire ?

Au balcon des assuétudes
tu hantes la loge royale
 
En l’officine des plaisirs
tu ranges tes influenceurs
par taille d’extase escomptée
 
Les bancs de sable du vertige
étreignent un néant fissible
prometteur de ses seules promesses
mais bien insolvable au-delà.

L’espacement parfait de deux tours accordées
la gothique élégance d’un cri lancéolé
une ascèse penchée sur les splendeurs florales
une muraille grise en contre-chant des braises
forgées de vitrail mauve et de ciel absolu
 
Les regards éperdus dès le portail franchi
font une haie d’honneur aux gisants gaéliques
sous la prude insolence des orgues insoumises
comme ce sang breton contrarié des rias
et du bourdon sonnant l’angélus de la mer
 
De peu s’en faut qu’à l’aube on s’éternise
pour ne plus quitter l’or de ces quartiers bénis
tant le soleil y tient son rang d’envahisseur
applaudi des jambages de l’Odet fleuri
comme aucun autre arpent dont Dieu fasse mystère

Pour Danielle Drory

Sur l’écritoire des corsaires
Brandir l’oriflamme du vent
Sur la proue des trois-mâts dociles
Graver l’initiale des mers
 
Sous l’encorbellement des arches
guigner l’alignement des hampes
en berne de la vague exquise
et des voilures sagittales
 
Loin des lagunes permissives
pour garder les saveurs du large
on pose un licou marital
autour des cabestans captifs
 
On porte au plus loin du vieux port
le carillon têtu des halles
le millésime des rambardes
avec leur tison sur nos lèvres
 
Au nom des dauphins bondissants
du phoque nouveau-né qui geint
on décuple l’empan du vertige
jusqu’à lisser la voix des eaux
 
On jette l’ancre du désir nomade
et range au grenier des saveurs
l’instant qui ne reviendra pas
ailleurs qu’en tes venelles fines
 
Honfleur

Au Dr Lise Thiry

Corolle, caducée,
Torsade, sainte vrille,
ADN, double hélice,
Echelle de Jacob,
Cordée du Saint des Saints,
Unique main tendue
Depuis le fond des âges,
De la fronde aventure.
 
Genèse autocentrée,
De l’antenne espérance,
Douceur tourbillonnante
Au fond d’un regard griffe,
Corps à corps onduleux,
Volute irrésistible,
Filin de descente aux enfers,
Nœud coulant de nos entropies.
 
Rosace arborisée
De ses rousses crinières
Derviche enfin tourneur
Des rites autonomes,
Péristyle étiré
Des miroirs animistes,
Rivage à tout jamais ourlé
De friselis d’écume
Et de mémoires ancestrales.
 
Ainsi, diascévaste,
Evoque-moi le jour.

Figée pour mieux mourir en vestale éternelle
la roche en Cornouaille est trouée de vertiges
sans fin renouvelés par la vague cogneuse
et les vents goudronneux sur la piste du large
 
Le rivage ne tient que par la grâce ultime
des mouettes filant sous l’averse d’argent
et par le lit d’écume au fond des phalanstères
où nichent les embruns dans l’agonie des vagues
 
La falaise fractale ébranle les assauts
furibonds et bientôt l’escarmouche ruineuse
Toutes ont pareillement droit de cité pérenne
en leurs enclos minés de palanques bravaches
 
Les sentiers sont noueux dans la jeune bruyère
Il suffirait d’un pas de trop dans l’herbe vierge
pour retrouver l’errance ailée du visionnaire Icare
vouée au rêve fou d’un pur égarement

Il vient du pays des énigmes
sphinx ou héron allez savoir
Il pose pour Giacometti
regard lointain indifférence .
Il tient de l’armure et du prince
un fuselage séculaire
gris-perle savamment lissé
apesanteur et gravité
 
Sentinelle des fraîches eaux
bleu samouraï des roselières
il se défait de son ego
pour n’incarner que son lignage
 
Il veille à n’avouer jamais
quel moment prévaudra
pour son envol ostentatoire
subreptice et vif soulèvement
 
Il réinvente l’immobilité
entre deux glissements muets
vers un ailleurs d’enivrement
et de solitude héraldique
 
Il vole un temps à hauteur d’homme
assez pour que l’incise du départ
laisse stupéfaits les marmots
cachés dans le feuillu des berges
 
Fine lame au ras des étangs noirs
Il laisse à l’abandon ses ailes
Et s’offre à changer en statue
Sa masse frêle et ses bras refermés