Le dernier train de nuit …
Le dernier train de nuit
Emporte ton étoile.
Je vois tomber les voiles
Des passagers de pluie,
Puis le ciel de l’aurore,
Tacheté comme un fauve,
Poser sa bouche mauve
Sur la lune qui dort.
in DU BOUT DU JOUR, éditions DEMDEL, 2018
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Sur la mer de l’espoir …
Sur la mer de l’espoir,
L’horizon n’est jamais
Que la ligne d’un rêve
Tracée à cœur levé.
in DU BOUT DU JOUR, éditions DEMDEL, 2018
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Permettez-moi de vivre …
Permettez-moi de vivre
Et de n’être personne
D’autre que ce gamin
Perdu, tombé d’un livre
Et si peu préparé
À la lente escalade
Des jours d’incertitude.
in DU BOUT DU JOUR, éditions DEMDEL, 2018
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Je ne sens plus le vent …
Je ne sens plus le vent
Ni la pluie assassine
Ni le soleil brûlant.
Les ombres sont sauvages
Et poussent n’importe où.
Je regarde la mer
Et j’ose la question :
Suis-je encore du monde ?
Et la mer me répond
D’un silence univoque.
J’ai déposé mon livre
Sur un vieux banc usé,
Et la nuit s’en empare.
poème tiré du recueil QUELQUE PART AU LARGE, Demdel Éditions, 2018>
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L’aveu…
L’aveu, c’est l’heure grave
Dans sa tremblante issue,
Avec le ciel qui tombe
Dans un bruit de tonnerre,
Un coup de feu qui claque
Déchirant comme un cri
La page du silence.
poème tiré du recueil QUELQUE PART AU LARGE, Demdel Éditions, 2018>
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Sur le mur..
Sur le mur, quelques mots
Oubliés par le temps
Rappellent un passage,
La brûlure d’un cœur
Sur la brique impassible,
Comme une cicatrice
Qui ne veut pas vieillir.
poème tiré du recueil QUELQUE PART AU LARGE, Demdel Éditions, 2018>
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Je n’en veux nullement..
Je n’en veux nullement
Au ciel immense et vague,
Cette mer sans rivages
Où mon esprit voyage
Souvent à contrevent.
Les rêves sont parfois
Des nids mangés de pluie
Dans des arbres chenus.
tiré du recueil «Le dilemme du merle» (DEMDEL Éditions, 2021)
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Il faut épuiser l’ombre..
Il faut épuiser l’ombre,
La vider de sa suie,
La rendre à la lumière
Ou l’habiller de propre
Comme quand le dimanche
Conjurait la semaine.
tiré du recueil «Le dilemme du merle» (DEMDEL Éditions, 2021)
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Se contenter d’un rien…
Se contenter d’un rien,
Un regard détourné,
Un sourire esquissé,
L’ébauche d’un baiser
Rouge comme la mûre,
Si doux malgré la ronce.
poème IV tiré de la première partie du recueil «Quelque part au large» (DEMDEL Éditions, 2018)
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Les neiges de l’enfance…
Les neiges de l’enfance
En hiver me reviennent
Avec l’instant précis
Où, rentrant de la guerre
En vainqueur ou vaincu,
Accueilli en héros
Par une odeur de gaufres,
Je te tendais mes joues
Et tu les réchauffais
Entre tes mains de laine.
Extrait du recueil LE TOUR DE L’ÎLE, Demdel, 2021
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La Voix du Père
Quand je roule ma bosse
Dans cette poudre aux yeux
Aux herbes de chimère
Que la vie a lancée
Comme du riz de noce
En pâture aux envieux,
Je repense à mon père,
À son verbe élancé,
À sa voix de colosse,
À son air si sérieux
Pour me dire l’envers
Des beautés encensées.
tiré du recueil « De mémoire longue », Demdel, 2016)
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Tain Pâle
Il est de ces matins
Où mon miroir ouvre
Comme un abîme
De réflexion,
Avec pour seul éclat,
Au fond de ce puits,
Le rire franc
De l’âme nue.
tiré du recueil « De mémoire longue », Demdel, 2016)
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Assis sur un rocher…
Assis sur un rocher
Érodé par les vents
De ma mer intérieure,
Je garde sans relâche
Le grand phare allumé
Dans la nuit délitée.
L’horizon est un mur.
La peur est devant lui,
La vérité, derrière.
Le cœur est un radeau.
Nul ne sait quel courant
Finit par l’emporter.
tirés de mon recueil « LE SILEX DES JOURS » (DEMDEL Éditions, 2019)
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Comme un rappel au monde…
Comme un rappel au monde,
Voici venir le jour,
Terrible, terrifiant,
Portant dans sa lumière
Le sang de l’horizon,
L’écho des vaines guerres
Et ces oiseaux jetés
À la tête du ciel,
Une poignée de terre
Pour l’enfance envolée.
tirés de mon recueil « LE SILEX DES JOURS » (DEMDEL Éditions, 2019)
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Du haut de la colline…
Du haut de la colline,
Je regarde la ville
Et me laisse porter
Par le courant des rues.
D’où je suis, sans forcer,
J’entends distinctement
Le chuintement discret
D’une pluie économe,
La petite musique
Des morts désaccordés.
tirés de mon recueil « LE SILEX DES JOURS » (DEMDEL Éditions, 2019)
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Les jours étaient prodigues…
Les jours étaient prodigues,
Ne comptaient pas les heures.
Arrosés de soleil,
Les arbres portaient beau
Et de tout leur feuillage
Frissonnaient de lumière.
Nous étions assoiffés
Et nous buvions l’été
Comme l’eau des fontaines
Sans penser à la source.
Extrait du recueil LE TOUR DE L’ÎLE, Demdel, 2021
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Du haut de la colline
Du haut de la colline,
Je regarde la ville
Et me laisse porter
Par le courant des rues.
D’où je suis, sans forcer,
J’entends distinctement
Le chuintement discret
D’une pluie économe,
La petite musique
Des morts désaccordés.
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Les hommes la devinent
Les hommes la devinent
Et le vent la souligne,
Mais en définitive,
Seule la mer connaît
L’intention de la vague.
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Trois poèmes…
De ce temps hors du temps
Qui nous a mis hors-jeu,
Hors délai, hors du monde,
Je retiens l’abandon
Et la sobriété.
Après l’apnée
Revient le souffle.
*
De dehors
On ne voit rien.
Or il pleut.
Il pleut dedans.
Il pleut dans les maisons
À l’horloge arrêtée
Mais aux lampes vivantes.
Il pleut de la poussière
Et de si longs silences
Derrière les rideaux
Où l’attente patauge
Dans la flaque du temps.
*
Chaque soir,
La terre entière
S’accoude au ciel,
Lucarne ouverte
Sans grillage.
De là-haut,
Plus rien ne pèse,
Plus rien ne vaut,
Sinon le rêve
De Folon.
Homme-oiseau,
N’oublie jamais
Ces heures hâves
Où confiné
Tu volais.
Philippe Colmant
Trois poèmes extraits de « Ciel et terre remués » (Demdel, 2020)
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