Éric Allard

Biographie

Né en 1959 un Mardi gras à Charleroi. Marié et père de deux garçons, il a été enseignant en mathématiques et physique jusqu’en 2020. Il a coanimé la revue Remue-Méninges, puis a créé, en 2008, un blog, Les Belles Phrases, orienté vers la chronique littéraire, qui bénéficie de la collaboration d’une douzaine d’écrivain(e)s. Il a publié quelques recueils dans les formes brèves (poésie, aphorismes, nouvelles). Il fait partie du conseil d’administration de l’AEB.

o   Cathy-romance, préf. de J.-C. Bologne, poésies, Nalinnes, Les Troubadours, 1983
o   Un fait divers, nouvelle, Strepy, La Mauresque, 2002
o   Alexandre Millon, monographie, Marche, Service du Livre luxembourgeois, Dossiers L., 2002
o   Penchants retors, nouvelles, Pont-à-Celles, Microbe, 2004
o   Nicole Malinconi, monographie, Marche, Service du Livre luxembourgeois, Dossiers L., 2005
o   Les Corbeaux brûlés, poésie, Paris, Le Cygne, 2009
o   Penchants retors, version augmentée, nouvelles, Châteauroux-les-Alpes, Gros Textes, 2009
o   Les Lièvres de Jade, en collaboration avec Denys-Louis Colaux, récit, La Neuville-aux-Joutes, Jacques Flament, 2015
o   Les écrivains nuisent gravement à la littérature, aphorismes, Amougies, Cactus Inébranlable éditions, 2017
o   La Maison des animaux, nouvelle, Bruxelles, Lamiroy, col. Opuscules #162, 2020
o   Grande vie et petite mort du poète fourbe, aphorismes, Amougies, Cactus Inébranlable éditions, coll. Ptit Cactus #86, 2021

Adresse postale : rue Strimelle, 17 à 6040 Jumet
Adresse électronique : ericallard @live.fr
Numéro de téléphone : 0499/94.71.58

Poésies

Écrire, c’est déjà mettre du noir sur du blanc
Stéphane MALLARMÉ

I.
Je songe aux heures sombres
Et je règle ma montre
Sur midi.
 
Je sors au soleil
Du cauchemar d’une vie
Et je bronze jusqu’à minuit.
 
La peau plus noire
Qu’une toile de Soulages
Je rêve d’une nuit blanche.
 
II.
Dans le Carré blanc sur fond blanc de Malevitch
Était-ce toi qui me faisais signe
Entre les lignes ?
 
Etais-tu devenue invisible ?
M’étais-je rendu insensible
À l’absence de couleurs ?
 
À force d’avoir mélangé les revers
Sur la palette des émotions
Je voyais l’amour en noir.
 
III.
Quelques olives noires
Et une grappe de raisins blancs
Composaient sur la nappe
Une nature morte involontaire.
 
C’était sans compter
Sur l’humeur noire et la colère blanche
Du chat bigarré de la servante écarlate
Du peintre du dimanche.
 
Qu’on appelait Arcimboldo
Tant sa face faisait penser
À un assemblage fortuit
D’oiseaux de toutes les couleurs.

« Au moins trois fruits par page
Pour ton lecteur régaler
Tu traiteras »
Diététique de la poésie à l’usage de l’écrivain malfamé, Sam Pepin (épuisé)

DES PRUNES
 
Des prunes
Comme des oeufs bleus
Sortis du cul
D’une poule céleste.
 
Des prunes
Comme des galets
Roulés mille ans
Par les mains de la mer.
 
Des prunes
Pour plaire à ton palais
En confiture ou en compote
Sur des tartines de seigle.
 
Des prunes
Dénoyautées foulées au pied
Pressées de s’alcooliser
Pour le feu d’un baiser.
 
Des prunes
Comme des yeux bleus
Sortis dans un éclair
De l’orbite de la Terre.
 
Des prunes
Mêlant leur saveur à ta salive
Même si tu préfères de loin
Les mirabelles.
 
DES ORANGES
 
Tant qu’il y aura des coqs
Pour becqueter les oranges
Du jus coulera du flanc des collines
Dans les creux d’un paysage vallonné.
 
Des rus ruisselleront
De tes hanches à mes lèvres
Chargées de les recueillir
Dans un bassin d’oranges.
 
Sur l’oranger de mon enfance
Pendent des coqs par le cou par centaines.
De leur sang je me suis abreuvé.
Depuis, face au dieu des agrumes
 
Je ne jure que par les oranges sanguines.
 
DES BANANES
 
Des bananes pour frimer
Devant des femmes qui citronnent (un Mojito à la mandarine).
Des bananes pour danser la gigue
Parmi des figues qui s’ignorent (et se croient fraises).
 
Des bananes pour leur peau
Qu’on flambera au casino du coing.
Des bananes pour sortir la tête jaune
D’une confiture de mûres sauvages.
 
Des bananes pour marier
Avec la mangue dans un Smoothie tropical.
Dans bananes pour une main plongée
Dans La Corbeille de fruits de Rabindranath Tagore.

on ne met pas le poème en joue ni en bouche
on ne tire pas la langue ni la queue au poème
on ne coupe pas la parole au poème
on ne dit pas le poème tout haut
on ne pend pas le poème par les pieds
on ne réveille pas un poème qui dort
on ne roule pas sur le poème en dos d’âne
on ne mâche pas le poème sauf si c’est une chanson
on ne vend pas le poème sauf s’il est imprimé en lettres d’or
on n’édente pas le poème qui mord sauf s’il a une rage de roman
on ne met pas le poème sur son séant sauf s’il contemple l’horizon
on ne récompense pas le poème sauf si c’est le poème d’un académicien
on ne charge pas la mule du poème (on attend qu’elle s’épuise)
on ne met pas le feu au poème (on attend qu’il s’allume)
on ne bat pas le poème même avec des fleurs
on ne compte pas sur le poème même si c’est un poème oulipien
on ne cache pas la fin du poème même avec un film transparent
on ne crache pas dans la soupe du poème même si c’est un poème d’amour
on ne dit pas pis que pendre du poème même si c’est un poème vendu
on n’assassine pas le poème en série même avec un pic à farce
on ne fait pas des grimaces à la face du poème masqué
on ne jette pas le poème dans les orties pour le faire piquer
 
c’est vilain

La poésie génère
des tonnes de déchets
 
Leur élimination constitue
un des problèmes majeurs
de la littérature

derrière
les robes
les falbalas
 
la chambre
de ta nudité
retient les regards
 
seul l’oeil
du couturier
avale ta peau

le poème
chez le dentiste
pousse de tels hurlements
que les exégètes
venus soigner
des caries verbales
les attribuent
tantôt à Artaud
tantôt à Tzara
 
par contre
pour le zzzzzzzzzzzzzzzzzz
de la fraise
tous conviennent qu’il est
d’Isidore Isou