Elizabeth Zimbacca

Biographie

Poésies

Ses doigts gantés de noir épousent la forme du loup,
Sa robe de soie aux fleurs brodées de fil mordoré
Crisse le long des murs,
Dans un brouillard épais,
Elle marche,
Elle vole,
Elle crie,
Offrant sa gorge blanche aux démons alentour hurlants et beuglants comme des diables en flammes,
 
Du creux moite de ses seins, elle sort d’acidulés serpentins de papier,
Hurlante,
Elle lance une pluie de confettis bariolés,
 
Son rire explose, ses lèvres rouges sucent goulûment les fruits juteux jetés par les mains énormes des hommes affamés,
 
Son corps se plie, hoquette et bouge par secousses, secoué par le rythme envoûtant de la musique de ces hommes pantins peints affublés d’étranges coiffes,
 
Leurs rires éclatent de bonheurs oubliés, leurs yeux exorbités fixent et dévorent déjà les agapes rêvées, ils troussent les filles, provoquent les garçons dans des spasmes pâteux, des regards obséquieux,
 
Et elle s’affaisse faisant un bruit de pluie dans sa robe fleurie, pleurant et riant par petits bruits, par petits cris, Princesse brisée d’un carnaval masqué.

Ils entrent.
Dans un regard
Ils s’épousent.
 
Vibrante,
L’icône noire rythme chaque pas sur les siens.
Ses seins durs et gonflés s’écrasent sur son buste.
Ses lèvres humides serrent les corolles d’un pavot d’opium.
La sueur coule sur sa peau vanillée pendant qu’il passe et repasse ses mains amantes sur le corps frémissant.
Elle se cambre.
Sa grâce le pourfend.
Il plaque les doigts de son désir sur le dos embué,
L’attire.
Elle revient et palpite.
Ses ongles carminés s’accrochent,
Par spasmes,
Au tissu de sa veste.
Mouillée, la dentelle noire de sa robe à volutes se colle sur sa peau,
Il frémit.
Vibrante elle se serre et le suit dans la danse,
Rituelle.
Il geint,
Ses reins vibrent sous les coups des pas.
Des perles d’eau coulent,
Lentement,
Sur son désir,
Son sexe gorgé de sève se raidit contre la soie noire.
Il creuse ses cuisses de son genou.
Languide,
Elle s’abandonne enfin,
Dans un dernier sursaut,
Un dernier râle,
Une dernière extase.

Je coupe le son.
Je veux voir ces hommes au corps de pierre,
Je veux voir leurs visages écartelés de peur,
Je veux voir ces bouches baveuses de haine,
Je veux qu’ils crachent leurs mots sans que je les entende,
Je veux voir leur bras tendre leurs armes comme des banderilles,
Je veux que ces armes arrachent leurs doigts orphelins de pitié,
Je veux que le soleil s’écrase dans leurs bouches,
Je veux que leurs yeux hagards regardent leur forfait,
Je veux que leurs meurtres les poursuivent à jamais,
Et je veux qu’ils recouvrent leurs morts infantiles,
De pâles roses et de glycines mauves.

Je l’ai vue,
Danser,
Dans quatre murs de papier,
Ses voiles noirs dansaient avec elle,
Pas un bruit, pas un son,
Le silence était danse,
Danse lancinante,
Écume de folie sur le bord de ses lèvres,
Reflets mouvants sur les murs blancs troués de balles rouges,
Visage ahuri d’ombres et de craie,
Danse la folle douceur de ses yeux,
Danse une mèche de ses cheveux,
J’ai deviné ses lèvres tremblantes,
Et j’ai vu ce corps tourner,
Ondoyer,
Dans de parfaites courbes,
Dans une ultime grâce,
Mouvante, émouvante,
Elle dansait,
Seule,
Perdue,
Rendue,
Vivante,
À l’absolue solitude.

Verdun le matin
Tu sais j’étais là,
Le matin où la plaine a rougi,
J’étais dans le sillon,
La colline était belle,
La plaine m’a happée,
Mes pas ont trébuché dans des mottes de terre,
Grasses, lourdes, fertiles,
Là depuis si longtemps à nourrir des râles,
Des plaintes et des murmures
Dans un silence immense,
C’est alors que j’ai vu dans un cri déchirant,
Mille coquelicots embraser l’horizon,
S’offrir au soleil jaune
Dans un ciel tout blanc
Non bleu ! Je me souviens
Mes yeux ne voyaient plus,
Le rouge était partout,
Et pour faire mon bouquet
J’en ai cueilli,
Des mille et des cents.

Deux vieux corps avancent sur la route,
Deux vieilles vies ballottent,
Leurs corps sont usés,
Leurs cheveux flottent au vent dans une blanche ardeur,
Leurs mains se cramponnent aux souvenirs lointains,
Leurs yeux fouillent le ciel et cherchent la lumière,
Ils se taisent sans doute,
Les mots ont été dits et leurs bouches sont tendres,
Des ballots de nuages traversent un ciel fougueux,
Le jour qui bascule apprivoise leurs ombres,
Ils avancent, immense présage sur le bitume gris,
Seules, les lucioles illuminent le soir,
Une sensible paix suit leurs pas, pas à pas,
Mais ils ont déjà leurs âmes au bout des doigts,
Ils se regardent enfin,
Dans un sourire sans failles,
Et continue encore,
Encore,
Le chemin.

Il monte la rue comme un Jésus sans foi,
Éclate ses vingt ans sur les pavés brillants,
Le corps avance guidé par une sourde rage,
Ses yeux bleutés de bleu se plissent dans le vent,
Et laissent couler quelques larmes de verre,
Sa bouche insoumise, mange les boucles de ses cheveux blonds,
Ses mains, percées d’une étrange colère,
Agrippe des sacs bourrés de repentance,
Il marche vite, tête levée, bras écartés,
Il s’en va, il part,
Il reviendra plus tard,
Quand il aura couru le monde,
Et qu’il aura aimé.

Elle monte dans le métro jaune.
Elle balance son corps,
Noir.
Elle toise.
Elle sait sa beauté.
Elle l’étale.
Dans un froissement de soie, elle croise ses longues jambes à l’infinie beauté,
Son torse souverain porte des seins, ronds, durs,
Ils palpitent sous le tissu auréolé d’auréoles ambrées,
A ses doigts des perles d’ivoire,
Elle caresse ses bras,
Ses mains vont et viennent rassemblant le sable laissé sur la terre aimée,
Sa bouche, ourlée d’une pulpe dorée s’ouvre à peine,
Une légère brume palpite sur ses narines bleutées,
Sa peau transpire de parfums inconnus,
Ses yeux enfin regardent, dans l’infini de ses cils, des dunes flamboyantes,
Seul, un léger voile de larmes brisera sa fierté.