Carine Laure Desguin

Biographie

Poésies

jusqu’aux frontières
du réel
là où des passages
à vrai dire
des passages oui
des portes ouvertes
vers d’autres rames
à quantités indéfinies
des souffles de tant que
et d’à jamais
même si
 
des lacets se dénouent

(Texte déjà paru sur le blog de Léon Cobra)

échouée là
lasse
des ciels de rien et
de ses sirops de nues
la minute de silence
cherche tout de go
la larme à l’œil
le reflet
impudique
de son écho

parapluie déplié arpenter les rues
les rires et les cris des enfants
ricochent rebondissent se perdent ailleurs
s’absenter des vitrines et des loques frapadingues
 
s’absenter
un rire se cogne sur la tirette de mon sac
parapluie déplié le soleil pourtant
 
écouter au loin les bombes les murs qui s’écroulent
et l’enfant qui pleure
sa poupée disloquée sous les gravats

avril 2022

Pourtant les lettres
et les cils de dernière minute
entre des parts et des espaces de savoir
 
les iris jouent
encore
dans la marelle
d’un clignotement
que lave et dilue
la dioptrie d’un doigt

texte paru sur le blog de Leon Cobra

dans l’entre-deux
la bascule du temps
pas à pas
la porte de l’antre
se referme
alors seulement
les mains ouvertes
de l’horizon
et les longueurs
de sa nuit
ça ou là
borderont de
dentelles et de mots
comme banni jour balade
une fugue anonyme

Carine-Laure Desguin in Recours au poème 213

des cercles et des souffles
encore des regrets
des entraves et des feux
tout ce magma païen
racle le crépuscule
et
en lieu sûr à la place
de
la carte du ciel
un signe un seul
arrondi du coup
prédit l’heure d’après

Carine-Laure Desguin in recours au poème 213

d’éphémérides et d’écumes
pour ameuter
ces petits bouts
du temps
des quarts de matière
et encercler
trois quatorze
sur le square de l’intime
zéro pointé
du doigt
fera son nid
sans aucune vague

Carine-Laure Desguin

les gros mots
sont des mots
gonflés à
la peur de
l’injustice
la haine
l’ego
la jalousie
rien que ça tu demandes
non je réfléchis
y’a encore
d’autres trucs
à vomir avec
ça les gros mots
gonflés à

jeudi 24 février
2022 à 17 heure 15
heure locale
la vitre embuée d’un bistrot
une digue venteuse
de la mer du nord
les vagues avalent
avalent je dis
tant de saloperies
des bouteilles en verre
en plastique des masques aussi
des bas de laine ça c’est étrange
et là-bas
là-bas ici tout près
ou si loin
des explosions des détonations
la guerre la guerre la guerre
ça on ne l’avale pas
avale pas
pas pas pas
 
la mer est si belle
sur la plage les enfants
construisent des châteaux

combien de petites jambes
se fatigueront
combien de poupées oubliées
de jouets abandonnés
de cris de pleurs
combien combien
d’enfants apeurés
affamés torturés
les enfants toujours
victimes malgré eux
à jamais
combien de petites jambes
se fatigueront
combien de poupées oubliées
de jouets abandonnés
sur les routes froides
et hostiles
d’un nouvel exode

ce travail de nuit
veilleuse on dit
sous les lumières artificielles
qui ne brillent jamais vraiment
vous comprenez je crois
veilleuse on dit
les sueurs les humeurs
coulent partout
dans les méandres dans
n’importe quel espace aussi
des sillons gériatriques
ce qu’on tait
car demain
est proche et demain
ce sera toi
ce sera moi
qu’on appellera
vieux et vieilles

dans l’offrande de soi
des mouvements vers
les autres
sans couleurs véritables
des mouvements presque
des ombres isolées
et soudain un bruit sourd
retentit
dans tous les étages
un dérouleur clignote
quelqu’un appelle
qui n’est pas
qu’un numéro

une écorchure sur la main
une entaille de rien
un millimètre c’est rien
rien ou presque rien
isoler avec une compresse
obligatoire
se préserver avant tout
l’ennemi s’infiltre partout
sous les gants
pour un écart de rien
positif tu deviens
écarté si loin
de l’essentiel

d’inspiration scatologique
pour les trouducs ou pas
scybales est un mot
si joli poétique musical
de toutes petites billes
de fèces dures et desséchées
pourtant
scybales est un mot
si joli poétique musical
de toutes petites billes
plic ploc plic ploc
chutent et roulent jusqu’au
fond d’une cuvette
d’eau javellisée
d’inspiration scatologique
pour les trouducs ou pas
scybales est un mot
si joli poétique musical
noyé pourtant et qu’on chasse
(d’eau)
et six balles pour tout ça
c’est pas cher je dis

il n’en peut plus
de ce monde virtuel
le télétravailleur
les écrans devant lui
un monde presque mort
asphyxié nécrosé
il a déboîté le pavé
numérique sans mesurer
son geste sans compter
de sept à zéro
il a jeté illico
le pavé numérique
dans la mare virtuelle
la poubelle sans passé
sans passer
par les spams
sans l’avis d’un webmester
il n’en peut plus
le télétravailleur
de ces pauses sans pause
sms et tout ça
de ces mails qui
ne saignent jamais
et desquelles pendouillent
suicidaires
des arobases sans base

la mer vague
tout autour de moi
et les plages
sablent un coquillage
à un couteau ou l’autre
ça s’écume ça s’égrène
un peu à la fois
jour après jour
 
de côte en côte
la mer vague
tout autour de moi
 
le phare
cyclope éternel
s’accroche aux vents
et pisse
à marée basse
sur l’algue assoiffée

il a traversé
des lumières blanches
autres parallèles
 
son sang si chaud
dégoulinait
si chaud
de ses chairs meurtries
 
puis ces ombres sonores
venues d’ailleurs
de nulle part
ont perturbé
gourmandes
l’instant magique
cristallin

entre les deux couloirs
celui de l’ombre
celui de la lumière
 
la rivière
aux lourds secrets
coule comme ça
entre les pièges
les cailloux les os
jusqu’au
 
premier cri
qu’arrachent
les herbes

le pont entre deux
n’est rien qu’une
illusion de plus
 
il n’y a rien
entre les deux
sinon ce pont
interminable
oublié parce que
 
transparent
silencieux
entre les mots
debout les mots
entre deux
écrans vides

elle a claqué
sa tête
contre un mur
invisible
elle a ramassé
ses bleus
deux ecchymoses
à dix minutes
une troisième
à douze minutes
elle n’a pas demandé
son âge au capitaine
transparent qu’il était
assis sur sa médaille

pourtant les lettres
et les cils de dernière minute
entre des parts et des espaces de savoir
 
les iris jouent
encore
dans la marelle
d’un clignotement
que lave et dilue
la dioptrie d’un doigt

ils ont poussé leurs regards
jusqu’aux frontières
du réel
là où des passages
à vrai dire
des passages oui
des portes ouvertes
vers d’autres rames
à quantités indéfinies
des souffles de tant que
et d’à jamais
même si
 
des lacets se dénouent

il faut croiser les espaces
et défroisser l’infini
 
au creux d’un au-revoir
pataugeront
d’autres auréoles
distendues élastiques
sur un voile
d’arrière-pensées

sous les lumières
dites-moi donc
les mots eux aussi s’éclairent-ils
 
des vérités mises à nu
transparentes
au fond du bocal
des phrases de guingois
attendent
le lever du rideau

dans l’après-midi
les heures s’alunissent
le soir s’émancipera
et s’habillera de si peu
un zeste de matabiche
enrobé du tropique
du cancer

on nomme tant
de choses et de riens
ne pas les oublier
surtout ne pas
et remonter du puits
des seaux d’eaux
troubles combien
ça on ne chiffrera
pas surtout pas
peut-être oui
 
on nommera

Que rien n’explose surtout, hormis sous les semelles des soutanes aux formes concaves et sous les fragments de brancards, entre les simulations et les rêves de bilboquet. Soudain, plus qu’une explosion, cette première, toute première aube, timide et crédule, chargée des outils du bateleur, tout un champ de forces magnétiques à la recherche des cris éternels et de la carte de dernière minute.
À chaos chaos et demi, Carine-Laure Desguin, La p’tite Hélène Éditions, 2018

À chaos chaos et demi, Carine-Laure Desguin, La p’tite Hélène Éditions, 2018

Bord à bord et s’il en est ainsi selon l’ordre des choses, un pied avant l’autre depuis le porte-cigarettes, les dentelles du temps se balancent aux ourlets des nuages et voguent les citrouilles et les crapauds aux sourires de prince charmant.
À chaos chaos et demi, Carine-Laure Desguin, La p’tite Hélène Éditions, 2018

À chaos chaos et demi, Carine-Laure Desguin, La p’tite Hélène Éditions, 2018

L’infini a ouvert sa dernière porte, un nouveau foin aboie devant le soupirail du temps, les fous ont lancé dans les flammes ce qui reste des morts, et les vivants, hors de leur contexte, s’agenouillent devant des théories et des fac-similés. Les exercices s’aplatissent et filent entre deux trains de post-scriptum, tandis que plus loin dans les dédales, des plâtres éclatent et crèvent les pneus et les os des identités.

À chaos chaos et demi, Carine-Laure Desguin, La p’tite Hélène Éditions, 2018

les feux ne s’usent pas comme les gants
jetables
à usage unique
les feux les remparts
plus hauts que les rampes urbaines
au ciel les étincelles jusqu’au bout
de la langue hostile ou pas
les feux ne meurent pas
jamais
qui sont-il où sont-ils
partout hors le néant
que sans cesse que sang
que demeurent aux échelles
une suspension un trou
une étincelle au solstice
quand de leur bouche
au plus loin je parle au silence
au fond de moi table rase
les feux ne meurent pas
à la pelle à la corde à la fleur si
d’aucune voix
à la fois jazzy
et à la fois jazzy
les feux ne meurent pas
à l’angle des jeux jamais
à l’ombre des taches les échos
tracent de longues dents d’organe
où finissent les frimousses
 
dans ces sillages fossilisés
coagulés les fous magiques
s’agglutinent
 
à mieux s’exiler
visionnaires d’un paradis
 
qui s’ouvrent sur des horizons de vermeil
à l’ombre des taches
des notes de musique capucinent
à la floraison dans la paume
à la floraison d’un monde à l’envers
triomphe de la face B du miroir
à l’ombre des taches les échos
pareils à des mouchettes
sur le fil d’un zig zag
 
à l’ombre des taches des échos
 
bourgeonnent bruits de cordes
à sauter au-dessus de l’étoile
 
dans la nuit l’écho d’une escale
dans la nuit l’écho d’une escale
et la face B du miroir
qui ne s’étain pas
 
microsillon sonore du temps
à la rescousse
 
des nocturnes
les feux ne meurent pas
jamais ne meurent

A contre-jour la nuit, recueil à paraître

au rythme de la batterie à jeux de mains
les harmonies s’efflorent
s’allument les lèvres
langues mortes langues vivantes
à chair des os de lèche
les déjections des phares
au son craquelé d’épis
contre les charmes d’une feuille de bronze
fine au pays de l’orge
quand de la lune féconde
tombent des vipères en lambeaux
 
langues de barque
tourbillons de couleurs
 
à découdre à dépecer
jusqu’au tombeau
jusqu’à mal jusqu’aux violons
à désosser aussi
des souffles sanguins
oui aux poussières sur ces terres
de carrés jaunes et orange
jusqu’aux violons d’airain
dans la batterie des jeux
sans artifice aucun artifice
 
à l’arrache du vide
au loin une porte l’autre
 
des sons dans leur globule
des sons majestés et sans bouche
à l’oral
fils précieux des accords
 
Nouvelle-Orléans au loin une porte
bascule se tissent les vents
 
les emportent les frôlent
balades
des harmoniques au grand cœur
de braise
à l’archet du vide
funambule successeur
qui soulève les pianos
des rondes le piano
 
sur le quai d’une escale
l’entre-deux à la paupière d’un chemin
et sarcèle la question
de l’être et de la chanson

A contre-jour la nuit, recueil à paraître

des remous de papier
glacé aux quatre coins des saisons
non pas des serrements
des balbutiements
un non-dit relève le cou
et plonge son clapot de rien
entre les bannières
d’une trompette
danse danse à la noisette
pour consacrer derrière son masque d’or
un oiseau
dans sa chasuble ourlée

in À contre-jour la nuit, recueil à paraître

je vis ces reflets
à deux pas de la maison
des reflets partout
autour de toi les rues
de Bruxelles
ne perdent pas pied
fontaines aux eaux parfumées
et quand de la lune
je vis ces chairs
nuitées contre grelots
s’enflammer à mille temps
à jour
de nouvelles écritures
feuilles noires brûlées
palpées à feuilles blanches
nacelle contre nacelle
et quand de la lune
je sentis tous ces jours
sourire à peau de peau
maintenance
chacun sa chacune son chacun
son panier de transparences
je sus que descendre
petit à petit de tout ça
c’était me fondre d’âge en âge
et percuter à nouveau
ce passage des anges
 
le tien

in À contre-jour la nuit, recueil à paraître

À coups de luminaires, ils ont heurté le néant et, après une course en spirales, de tunnels en tumulus, le chaos se reconnut (enfin) dans ce miroir en pantalon, une espèce de sac de jute qui sans aucune sommation engloutit de trou de balle en trou de balle quelques tonnes de pommes de terre et des patates à vol d’oiseau.

À CHAOS CHAOS ET DEMI, C.-L. Desguin, La P’tite Hélène Éditions,2018

Lever l’ancre du fond de ces précipices, disent-ils, et battre le feu aux tempes, les cris des hirondelles perceraient bien les écorces jusqu’aux ventricules du cœur, debout à ras des pierres, si velues soient-elles.

À CHAOS CHAOS ET DEMI, C.-L. Desguin, La P’tite Hélène Éditions,2018

Des hochets de sang rhésus O à jamais rhésus O, dans cet entre-deux d’un état des lieux, éclaboussent l’échelle des gènes, des nervures d’ions positifs et d’ions négatifs, des transgenres de tous les chiffons, des épousailles sur papier glacé d’une armée de poupées barricadées jusqu’aux racines carrées de leurs dents (puisque même la météo ne se cache plus de ses bretelles), avec des chlorophylles de fils barbelés en habit du dimanche.

À CHAOS CHAOS ET DEMI, C.-L. Desguin, La P’tite Hélène Éditions,2018

Jusqu’à l’os, doter les crachats de toutes ces éclaboussures, des étincelles de coquilles d’œuf, des fonds de vase d’une coulée de serpents, l’angle mort d’une potence sans virginité, les postfaces écrasées des légendes à venir, le passé décomposé d’un iota éméché et une lignée de pointillés désamorcés. Tout cela bien enrobé dans des capsules d’un chamarré de rouges vifs, avec dedans de la cyprine déshydratée.

À CHAOS CHAOS ET DEMI, C.-L. Desguin, La P’tite Hélène Éditions,2018

Sous les paupières du temps, celui qu’ils disent avoir brassé à chaude-pisse de prismes et de glands, s’additionnent des cuillères et du mal en patience, de nuitée en nuitée, sans crier gare, sous des voies volcaniques toutes puces dehors, comme si d’un espace en organdi un feuillage en tête à queue oserait paraphraser des errances éternelles.

À CHAOS CHAOS ET DEMI, C.-L. Desguin, La P’tite Hélène Éditions,2018